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à la civilisation, et l’on ôsa les présenter au monde comme dégradés de cette dignité morale et intellectuelle dont le sceau fut empreint par la Divinité sur le front de tous les hommes. »

Le 19 mai 1779 fut un jour remarquable par une obscurité extraordinaire, particulièrement à Québec.

Pour revenir au nouveau gouverneur-géneral, on ne pouvait lui refuser de l’esprit, des talens et des connaissances ; mais ceux qui l’avaient complimenté sur sa « ferme équité », et sur sa « douceur affable », ne tardèrent pas à s’appercevoir qu’ils s’étaient trop pressés. Si l’on pouvait ajouter une foi entière à quelques écrits du temps, son administration aurait été celle de l’injuste méfiance, de l’inquisition d’état, de l’espionnage ; il s’y serait commis des actes sans nombre de cruauté, ou de rigueur outrée, d’extorsion et d’iniquité, et la plupart des fonctionnaires publics auraient été dignes d’une telle administration. Comme on l’a vu plus haut, le conseil législatif avait gratifié le pays d’un nouvel acte de judicature, « et, s’écrie M. Du Calvet, quelle est la nature de la jurisprudence qui rend ses oracles en Canada ? Voici les juges de notre province : un capitaine d’infanterie (Fraser) ; un chirurgien-major de la garnison (Mabane), actuellement en service ; un négociant (M. Southhouse), qui n’entend pas une syllabe de français. »[1]

Ce n’était pas, suivant le même écrivain, le droit ou le tort qui décidait du gain ou de la perte d’un procès, mais la bienveillance ou la malveillance des juges. Les corvées, de tous temps et partout regardées comme un grief majeur, se multiplièrent, sous le gouverneur Haldimand, au point de devenir un vrai fléau pour les gens de la campagne. Sir Guy Carleton avait emprisonné

  1. Il faut toujours se rappeller que M. Du Calvet est un écrivain exagérateur.