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en était redondant, ridiculement exagéré, et parfois grossièrement injurieux envers une classe d’hommes qu’ils étaient accoutumés à révérer, du moins extérieurement. Si les Canadiens y étaient loués, flattés même directement, ils y étaient injuriés indirectement d’une manière ignominieuse, puisqu’on y donnait comme digne d’horreur et du dernier mépris, l’acte même qu’ils avaient demandé, et dont ils étaient satisfaits généralement. Si le congrès américain se fit alors quelques partisans parmi les Canadiens, ce ne fut guère que dans la classe ouvrière ou agricole : le clergé, la noblesse et la haute bourgeoisie, qui connaissaient mieux leur devoir, ou qui savaient avoir plus à perdre qu’à gagner par un changement de gouvernement, se montrèrent généralement défavorables à l’insurrection. L’homme à qui les rênes de l’administration avaient été confiées avait su se faire aimer des Canadiens, et cette circonstance ne contribua pas peu à retenir, au moins dans les bornes de la neutralité, ceux d’entre eux qui auraient pu, ou cru pouvoir améliorer leur sort, en faisant cause commune avec les colons insurgés.

Cependant, tout aimé et estimé qu’il était des Canadiens généralement, Carleton ne put leur persuader qu’il fût de leur devoir et de leur intérêt d’agir offensivement contre les Américains. Ce général était imbu de l’opinion que les seigneurs et leurs vassaux étaient tenus au service militaire envers le roi, et obligés de prendre les armes pour la défense de son gouvernement, à peine de confiscation de leurs biens, s’ils refusaient de le faire. Plusieurs seigneurs étaient, ou feignirent d’être du même avis, et montrèrent, en cette occasion, beaucoup de zèle et d’activité. Ils assemblèrent leurs censitaires, pour leur faire connaître l’état où se trouvait la province, et leur expliquer le service qu’on attendait d’eux, et la né-