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L’Observer d’York et le Herald, de Kingston étaient des journaux libéraux, modérés et polis, comparés au Canadian Freeman et au Colonial Advocate, et ces derniers avaient, dans le Kingston Chronicle, un redoutable adversaire. Dans le temps qu’avaient lieu les scènes auxquelles nous faisons allusion, la chambre d’assemblée, devenue, d’une session à l’autre, radicalement radicale, ou niveleuse dans sa majorité, eut à soutenir, suivant ses fauteurs, « la constitution, la loi et le roi », et suivant ses détracteurs, se rendit coupable d’une flagrante usurpation de pouvoir, en recourant à un violent acte de despotisme.

Un sieur Forsyth, de Niagara, avait adressé à la chambre une pétition, dans laquelle il se plaignait de ce qu’il appellait « une déprédation commise sur sa propriété, par le militaire, agissant sous les ordres du gouverneur en chef ». Cette pétition fut référée à un comité spécial, « avec pouvoir de faire venir personnes et pa-

    comme un homme envoyé du ciel, ou du moins suscité par la providence, et lui dit d’aller faire sa déposition devant les grands-jurés. Collins demande que quelques noms soient préalablement rayés du rôle : la radiation ne lui est pas complètement accordée, et sa déposition n’en est pas moins reçue. Les prétendus meurtriers, dont l’un était le solliciteur-général (Boulton), sont appréhendés, jugés, et comme de raison, déclarés innocents. Pour le consoler de ce contre-tems, les briseurs de presse et noyeurs de caractères d’imprimerie furent condamnés à l’amende. Le juge voulait qu’on passât à M. Collins tous ses libelles, qu’il appellait des actes d’accusation biens fondés (true bills), et c’était inutilement que le procureur-général lui disait qu’il ne connaissait pas toute la méchanceté de ces gens-là ; mais « il ne pouvait les lui passer sans l’aveu des parties intéressées ». Le charitable Observer, qui avait souvent besoin d’indulgence, lui avait déjà pardonné ; le solliciteur-général était prêt à en agir de même, « pour vu qu’il voulût se rétracter, ou seulement avouer qu’il s’était trompé ». Le sieur Collins n’était pas homme à faire cela ; et tout ce qu’on put obtenir de lui, ce fut la promesse, ou la menace d’écrire plus furieusement que jamais, si on ne le tenait quitte instanter. Ses procès, malgré l’intérêt que prenait à lui le juge Willis, ainsi qu’au sieur M’Kenzie, furent remis au terme suivant.