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le gouvernement, ou même qui ne voulaient pas s’en déclarer les ennemis ouverts, étaient signalés comme dignes de la haine et du mépris du peuple : ceux qui étaient honorés de quelque emploi lucratif, ou honorifique, ne l’avaient obtenu, ou ne le conservaient, « qu’en abjurant leur foi politique, qu’en se déclarant traîtres à la patrie, et qu’en flétrissant pour toujours un nom qui ne leur avait été donné que pour y ajouter celui de « vrai-canadien ». Ceux qui ne voulaient pas que la licence de la presse fût réfrénée, auraient voulu étouffer jusqu’à la pensée même. Il y avait réellement « despotisme sur la pensée ». Cette espèce de coercition, ce systême d’intimidation, imité de ce qui avait eu lieu en Irlande, à des époques de grande agitation, et en France, au plus fort de la révolution, augmenta de beaucoup le nombre des Canadiens respectables qui descendirent alors des bancs de la magistrature et des grades de la milice, souvent pour faire place à des inconnus, ou à des nouveau-venus[1].

Le gouverneur avait reçu, et continuait à recevoir, de différents endroits, des adresses approbatrices de sa

  1. We are surprised that any respectable man holds a commission in the County of York Battalion, supposing that there is a law for their commissions.” — Canadian Spectator du 10 octobre 1827. — Deux lieutenans-colonels de milice, hommes respectables et respectés dans la société, mais qui n’avaient pas pris connaissance des principes et des usages de l’Angleterre, que lord Dalhousie voulait suivre en Canada, avaient été les vice-présidens d’une assemblée où ils avaient entendu et approuvé, contre le gouverneur, le discours le plus « foudroyant » qui eût encore été prononcé dans la province, sans en excepter celui du docteur Labrie, à Vaudreuil. Ils furent destitués, ou remerciés. Ce remercîment donna lieu à une assemblée et à des résolutions, dont l’une était « Que les personnes qui acceptent des commissions en remplacement de ceux qui ont été destitués sans cause légitime, méritent l’improbation publique, et ne doivent être considérés que comme ennemis des droits du peuple ». Si un tel conseil, ou un tel plan, eût été adopté plus généralement, les miliciens canadiens auraient été finalement, comme les Cepoys, ou Cipays de l’Inde, tous commandés par des officiers anglais.