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duite du gouverneur, plurent, pour ainsi dire, et plus abondamment que jamais, dans le Canadien. Quoique ce ne fût que la liberté de la presse dégénérant peut-être en licence, ou portée trop loin dans les circonstances, les conseillers exécutifs y virent, ou feignirent d’y voir des plans, ou des préparatifs de cabales séditieuses, ou même de rebellion et d’insurrection : ils allèrent jusqu’à insinuer qu’il y avait correspondance entre le ministre français aux États-Unis et les mécontens canadiens. Bientôt, le bruit courut dans Québec que la correspondance avait été interceptée par des agens du gouvernement. Le gouverneur devait connaître la fausseté de cette dernière rumeur : pouvait-il ajouter foi aux autres ? Il paraît certain qu’elles furent attribuées d’abord, dans le public, à un aveugle esprit de parti, et ensuite à d’indignes et coupables inventions, pour préparer les esprits à l’espèce de coup d’état qui allait avoir lieu.

Le 17 mars, un parti de soldats, ayant à leur tête un juge de paix et deux constables (officiers de paix), se rendirent, sous la sanction du gouvernement, à l’imprimerie du Canadien ; s’y emparèrent forcément de la presse, des caractères, et des papiers trouvés dans le bureau, et firent porter le tout dans les voutes du palais de justice. L’imprimeur, M. Lefrançois, fut arrête, et après interrogatoire, emprisonné. Pour que cet acte de despotisme fût coloré d’un prétexte plausible, les gardes des différentes portes furent renforcées ; des patrouilles parcoururent la ville dans tous les sens, comme si l’on se fût attendu à un soulèvement immédiat de la population. Cette population, loin de songer à se soulever, devait être fort étonnée et comme stupéfaite, en voyant ce qui se passait sous ses yeux ; ne savoir que penser des bruits de complots et de conspirations qu’on persévérait à faire courir, et s’attendre à d’importantes révélations.