Page:Bibaud - Épîtres, satires, chansons, épigrammes, et autres pièces de vers, 1830.djvu/66

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
65

Mais, lui chercher chicane, ou lui faire la niche,
Si d’un autre, chez lui, l’on trouve un hémistiche,
Ou deux, et pour cela vouer son livre aux vers,
C’est se rendre risible, en jugeant de travers.
Celui-là, plus encore, à mon gré, déraisonne,
Qui juge d’un écrit sur l’air de la personne ;
Sur sa religion, son pays. De quel droit ?
Qu’il soit petit ou grand, laid eu beau, courbe ou droit ;
Qu’il ait, comme Magot, la figure grotesque,
La démarche, le port, ou le maintien burlesque ;
Qu’il se dise gallois, écossais, canadien ;
Qu’en sa religion, il soit juif ou chrétien,
Qu’il suive les leçons de Genève ou de Rome ;
Ce n’est pas sur ce point qu’il faut juger d’un homme,
D’un écrivain, surtout, en pays tolérant,[1]
Voici, sur ton auteur, quel est mon jugement :
Quand, voyant de sang-froid quatre-vingt-dix-neuf crimes,
Il dit qu’un Breton mort demande cent victimes ;[2]
Lorsque, calomniant et son peuple et son roi,
Il les peint sans pitié, sans honneur et sans foi ;[3]
Ou, lorsque, respirant le meurtre et le carnage,
Conseillant la vengeance, et l’horreur et l’outrage,

  1. Je suis bien éloigné d’approuver le manque de patriotisme, ou de louer l’indifférence en fait de religion ; mais je ne peux m’empêcher de trouver ridicule et injuste de reprocher publiquement à un homme, comme on l’a fait à l’époque dont il s’agit ici, [1813 et 14,] et depuis, et le lieu de sa naissance, et la croyance qu’il a héritée de ses pères ; surtout dans un pays dont la population se compose de tant de nations et de sectes différentes.
  2. À l’occasion des représailles.
  3. Virtuellement et par induction, s’entend ; et non sans doute intentionnellement et directement.