Que la défendre ainsi que ferait ton auteur,
D’un ton exagéré, plein de fiel et d’aigreur.
Ne crois pas qu’un gros-mot échappé de ta bouche
Me semble plus poli, me paraisse moins louche,
Que si mon ennemi l’eût, le premier, émis ;
Tout écrivain grossier s’est, pour moi, compromis ;
Je déteste partout le style, de Garasse…
« Vous voulez qu’aisément mon rival me terrasse,
« Et que, sans, regimber, je tombe sous ses coups ! »
Nullement ; mais je veux modérer ton courroux ;
Je veux du vrai sentier te remettre la trace ;
Je veux te rappeler ce précepte d’Horace :
Qu’on ne peut, sans errer, ni rester en-deçà
Du terme mitoyen, ni passer au-delà.[1]
Lorsqu’à mauvais dessein quelqu’un sur toi s’avance,
Contente-toi toujours d’une juste défense :
Toujours, de ton rival, pour plaire aux bons esprits,
Épargne la personne, en blâmant ses écrits.
Encor, quant aux écrits, convient-il d’être juste ;
De ne point voir Octave, alors qu’on lit Auguste ;[2]
De ne point ressembler à ces écrivailleurs,
Marteleurs du bon-sens, éternels criailleurs,
- ↑ Est modus in rebus, sunt certi denique fines,
Quos ultrà citràque nequit consistere rectum. - ↑ On sait que le cruel Triumvir Octave et le comparativement bon Empereur Auguste, ne sont qu’un seul et même individu. Auguste a écrit en prose et en vers ; mais il ne nous reste presque rien de ses ouvrages. Ma pensée est qu’il faut juger d’un écrit par ce qu’il est en lui-même, et non d’après la haine ou l’amitié qu’on peut avoir pour son auteur.