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Et gouverne et conduit la crue ou la dénué.[1]
De voyager, sortir, se montrer dans la rue,
Même de commencer un ouvrage important,
Tel autre écervelé se garde, redoutant,
Ou des astres errants la maligne influence,
Ou d’un jour malheureux la funeste présence.
Au village, quels sont les communs entretiens ?
Il est vrai que, vivant en des climats chrétiens,
Nos vierges ne vont pas, jongleuses Méxicaines,
Se flageller, tirer le sang pur de leurs veines,
Pour, humaines, sauver un astre du trépas,
Ou du moins du ménage apaiser les débats,
Quand, d’un brutal époux, dans la lune éclipsée,
L’ignorance leur montre une épouse blessée ;
Il est vrai qu’à l’aspect de ces astres brunis,
Nos peuples ne vont pas, par la peur réunis,
Et dévots, jusqu’au cou plongés dans les rivières,
Au Ciel pour leur salut adresser des prières ;
Ou pour en éloigner un horrible dragon,
Et battre du tambour et tirer du canon.
Non, mais combien encore, à l’aspect des comètes,
Se sentent inspirés, et deviennent prophètes ?
Comme on dit au pays, prophètes de malheurs,
Troublant leurs alentours de leurs folles terreurs ?
Combien d’autres, voyant l’avenir dans leurs songes,
Sont faits tristes ou gais par d’absurdes mensonges ?

  1. Décrue est un mot de mon invention : je le crois pour le moins aussi élégant que crue, et dérivant aussi bien de décroître, que ce dernier de croître.