Page:Bias - Les Faux Monnayeurs.djvu/21

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Eh bien ! lui crièrent le soir ceux qui l’aperçurent les premiers,

— Eh bien, répondit-il, l’enfant est en nourrice ; je l’ai adoptée, et le commissaire a, comme il dit, ratifié l’adoption.

— Il est donc fou, et toi aussi ! s’écria la Lapointe au milieu des éclats de rire de tous les voisins. Est-ce que tu peux payer des mois de nourrice ?

— C’est l’observation qu’il m’a faite d’abord, mais je lui ai dit que j’ai bien payé pendant longtemps Îles mois de pension de mon frère.

— Sans compter ce qu’il te coûte encore, le petit gredin.

— Il ne me coûtera plus rien, puisque j’aurai un autre enfant à nourrir, dit simplement Radèze en rentrant chez lui.

— Est-il assez idiot ! fit la vieille à son entourage en haussant les épaules.

Et elle montrait des dents menaçantes, au centre de la courbe que traçaient en se rapprochant un nez et un menton démesurément longs.

— Qu’est-ce que ça vous fait donc, à vous autres ? dit un joli gamin à la mine espiègle. Si le papa Radèze a du goût pour l’état de père nourricier, ça ne regarde personne que lui. Conséquemment, mère Lapointe, laissez-le en repos, ce brave homme-là.

L’enfant esquiva le soufflet à lui destiné par la vieille, qui était sa parente, et l’on se sépara en riant fort de l’humanité du pauvre brocanteur.

À dater de ce jour, la réputation de Félix Radèze fut établie, et l’on ne se serait plus occupé de lui si, dans la rue des Filles-Dieu, il eût été dans les choses possibles de ne pas s’occuper de ses voisins.


{{T3|comme quoi un marchand de bric-à-brac fait un pied de nez à un commissaire de police.

Il nous suffira de pénétrer un instant chez le brocanteur, pour nous assurer de l’exactitude du jugement de ses voisins et amis sur son énigmatique personne.