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à la première représentation d’une pièce dont il était l’auteur. Juliette devait accompagner son mari ; elle se promit d’être malade et écrivit à M. Stéphen qu’elle serait seule et l’attendrait toute la soirée.

Et ne vous hâtez pas de la condamner, vous qui ne voyez que l’acte sans tenir compte de la pensée ; le plus léger nuage n’ombra point l’âme de la jeune femme ; elle n’aurait pas écrit à un homme, mais à M. Stéphen, l’auteur d’un livre où l’on parle vertu, dévouement, fraternité, que risque-t-elle donc ? n’est-ce pas s’adresser à la vertu elle-même ?


III

Quand son mari fut parti, Juliette commença à trembler ; elle se promenait dans son salon, troublée, anxieuse ; regardait la pendule, rattachait les boucles de ses cheveux, ouvrait sans y lire le fameux volume, se rasseyait, se relevait encore, écoutait les bruits au dehors, les pas à l’intérieur et se sentait prendre de vertige à mesure que le moment suprême approchait.

Le moment suprême fut une simple visite d’homme du monde à femme du monde ; le dieu était tout bonnement le jeune homme auquel Juliette s’était adressée chez le libraire ; elle eut un moment de désappointement, car elle n’avait pas songé qu’une chose aussi simple pût être. Aussi la conversation entre le dieu et l’adorateur, le maître et le disciple, fut-elle d’abord froide et gênée. Si madame