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monde juge mal les femmes esprits forts, souvent à tort, j’en conviens ; mais la calomnie est une souffrance pour les âmes délicates et sensibles ; j’aimerais l’épargner à ma femme.

Le docteur sourit avec malice.

— Et à vous par contre-coup. Voulez-vous que je vous dise ma pensée ?

— Je vous en prie, docteur.

— Vous auriez dû attendre dix ans pour écrire votre livre sur l’émancipation de la femme.

— Pourquoi donc ?

— Parce que vous vous êtes laissé entraîner par une idée nouvelle, mais sans conviction ; parce que vous êtes trop attaché au préjugé pour vous élever contre lui ; parce que vous n’auriez pas le courage de l’exemple ; parce que dire est bien, mais faire est beaucoup mieux ; parce qu’enfin le premier sans le Second est plus dangereux qu’uliie, dangereux surtout pour vous-même.

On appela le docteur pour un cas pressé ; il ne put ce jour-là s’expliquer davantage.


IX

Dès qu’elle eut déposé dans la chambre de Juliette les livres du docteur Masson, Noémi se retira, ne voulant pas, disait-elle, troubler la retraite de sa compagne.

Mademoiselle Lambert étant involontairement, mais sérieusement froissée ; le vide se faisait autour d’elle sans