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VII

L’ENLÈVEMENT.

La soirée était tiède et parfumée ; c’était une de ces nuits d’Asie dont nous ne pouvons nous faire une idée en Europe, même au mois de juillet, quand des milliers d’étoiles scintillent au-dessus de nous dans un firmament gros bleu. Ien-ché, étendue sur un banc de mousse, aspirait les parfums que lui apportait de toutes parts une brise chaude et fortifiante. A-luh, assise auprès d’elle, écartait de son visage les feuilles de roses qui tombaient du berceau, et chassait les insectes dont le bourdonnement eût pu la gêner. L’âme des deux jeunes filles chantait à l’unisson de ces bruits mystérieux et tristes qui naissent du silence ; dans la maison de Confucius tout reposait ; dans le parc où rêvaient les deux sœurs tout était solitaire. La joyeuse A-luh paraissait bien triste ce soir-là ; depuis quelques jours, elle suivait avec effroi les progrès d’un mal invisible qu’on ne pouvait juger que par ses ravages : Ien-ché n’avait plus de voix ; sa respiration, à peine sensible, semblait à chaque instant lui échapper ; son teint devenait blanc et opaque comme le marbre ; le carmin de ses lèvres avait disparu ; son regard et son sourire restaient seuls vivants. Elle ne se plaignait pas cependant, affirmait ne point souffrir ; et le duc et A-luh