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MADAME DE STAËL D’APRÈS SES PORTRAITS

seur. Quand elle était enfant, nous l’avons déjà dit, elle parcourait les bois, habillée en nymphe ou en muse[1]. Sur la petite aquarelle de sa quinzième année, elle a revêtu une tunique blanche de forme romaine. Ce n’était à cette époque que jeu et déguisement. À partir de 1795 seulement, la mode générale s’inspira de l’antiquité. Les tailles courtes apparurent et les longues robes flottantes. Mme de Staël est ainsi représentée désormais sur tous ses portraits.

Certaines de ces robes ont encore cependant un aspect façonné. Les manches sont compliquées, bouillonnées, rattachées par une lien dans le premier Massot, réduites à de petits mancherons ballonnés dans le pastel du même Massot, la miniature de Bouvier, le portrait du baron Gérard. L’étoffe est tendue toute droite sur les seins dans l’anonyme de 1803 et le portrait de Mlle Gérard, froncée en biais dans le pastel de Massot et la miniature de Bouvier, croisée, plissée, rattachée par un lien dans le portrait du baron Gérard. La ceinture se trouve là plus large et agrafée par un camé. L’étoffe et la décoration de ces toilettes varient souvent ; le satin blanc miroite très souple dans les deux premiers Massot et dans le portrait de Mlle Gérard où Mme de Staël ressemble à une jeune mariée. Les étoffes à fleurs apparaissent chez l’anonyme de 1803 et sur la miniature de Bouvier. Parmi ces claires toilettes, la robe cuivrée du baron Gérard fait seule un sérieux contraste. Une broderie en rinceau contourne la berthe du portrait anonyme ; une frange semblable à une bordure de tapis tourne au bas de la première jupe, sur le portrait de Mlle Gérard.

Les shalls drapés sur les bras accompagnent presque toujours les toilettes de Mme de Staël. C’est une particularité habituelle à l’époque. Vers 1797, les châles de l’Inde commencèrent à faire fureur[2]. Sur le portrait anonyme de 1803, nous voyons le plus beau possible, couleur chaudron, brodé de grappes en soie de plusieurs couleurs où la teinte groseille domine, sur celui du baron Gérard, un autre plus sévère, noir, bordé d’un galon aux orientales multicolores. Bouvier fait pendre sur l’épaule de son modèle une écharpe en velours rubis, Mme Vigée l’enveloppe dans une draperie antique. Les turbans que Mme de Staël enroula souvent sur sa tête étaient faits avec des écharpes plus étroites en tissus analogues. Celui qu’elle porte sur le portrait du baron Gérard est composé de deux étoffes, l’une blanche, l’autre ornée de dessins orientaux. Les cadavres de ces turbans, jaunes, rouge cerise et vert olive, dorment dans des coffres de verre au château de Coppet. La mode des turbans n’est pas particulière du reste à Mme de Staël. Une gravure de mode de l’an 1803 nous en montre déjà.

  1. Ibid., p. 53.
  2. Cf. Recueil de costumes (Bibliothèque de la Société des Beaux-Arts de Genève).