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MADAME DE STAËL D’APRÈS SES PORTRAITS

de toutes ces images nous font saisir, sur le vif, l’étendue de la gloire de Mme de Staël et l’affection du très grand public pour ses traits.

Après avoir passé en revue les documents iconographiques que nous venons d’énumérer, il nous semble qu’en les confrontant avec les jugements des contemporains, nous voyons se dégager les traits et les particularités de Germaine : Petite pour son âge à douze ans[1], d’une taille moyenne ensuite, d’après le témoignage de Werner[2] et de Henriette Knebel[3], elle fut mince dans sa jeunesse, maigrillote même sur le portrait de Carmontelle ; élancée encore sur le premier Massot, elle devint opulente aux alentours de la quarantaine. Sans être absolument grosse et grasse, trop pleine de santé ainsi que le dit Roederer[4], elle nous apparaît plutôt comme une déesse en plein épanouissement sur les portraits qui furent peints aux alentours de 1807. Les épaules qu’elle aimait à découvrir, sont larges et triomphantes sur celui de Mme Vigée Le Brun ; elles deviennent hommasses et moins plaisantes sur le Gérard posthume. Plusieurs années auparavant, un contemporain, Mallet, semblait choqué de voir une femme, comme elle, déjà d’un certain âge, montrer des épaules et une gorge que les années avaient altérées[5]. Les seins, très petits et bien soutenus sur le premier Massot, sont plus gras dans le portrait anonyme de 1803, très dessinés sur celui de Mlle Gérard, plus abandonnés sur le fusain de Massot ; le portrait posthume de Gérard les représente de nouveau serrés dans le façonnage de la robe.

On vantait généralement les beaux bras de Mme de Staël et ses mains lisses. Les bras apparaissent maigres encore sur les portraits de la première jeunesse comme le Carmontelle, sans défaut et minces sur le portrait de Mile Gérard, ronds et creusés de fossettes avec des mains un peu courtes sur l’anonyme de Coppet, de nouveau lisses, couleur d’ivoire sur celui de Mme Vigée Le Brun où les petites mains fuselées voltigent.

Essayons, malgré la difficulté qu’il y a à saisir la mobilité vibrante et diversement interprétée, de caractériser aussi le visage irrégulier et expressif de Germaine de Staël. Le nez est retroussé dans le profil de Carmontelle, fin et plus droit chez Mlle Gérard. Massot et Mme Vigée Le Brun esquissent un délicat retroussis et des narines frémissantes, le

    cendante de M. Massé-Diodati, qui nous a très aimablement donné ces renseignements.

  1. Journal de Mlle Rillet, cité pour la première fois par la comtesse de Pange dans Monsieur de Staël. Edition des Portiques, 1931, p. 67.
  2. Lettre de Werner à Schneffer, citée par Sainte-Beuve, Portraits de femme, Paris, Didier, 1848, p. 147.
  3. Lettre de Henriette de Knebel, citée par Lady Blennerhasset, Mme de Staël et ses amis, III, p. 16.
  4. Rœderer, Œuvres, IV, p. 318.
  5. Souvenirs de J.-S. Mallet, cités par Kohler, op. cit., p. 622.