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MADAME DE STAËL D’APRÈS SES PORTRAITS

avec des épaules énormes, des bras écartés du corps, une figure sans expression.

Germaine Necker avait connu de bonne heure cette popularité de l’image, si on accepte l’attribution donnée à une jolie gravure, appartenant aussi à la comtesse de Pange, et qui représente Mme Necker visitant avec sa fille un pauvre logis. Mme Necker soutient une malheureuse alitée qui lève les bras au ciel dans un geste tragique. La petite Germaine se tient debout près du lit ; elle porte une robe d’apparat et une énorme jupe bouffante qui a bien dû la gêner pour monter l’escalier de la mansarde. Une estampe attribuée à Debucourt, intitulée Conférence de Mme de Staël, nous montre Mme de Staël entourée de ses amis, vers 1800[1].

Sitôt la mort de Mme de Staël, son image illustra des périodiques[2], des ouvrages[3], et se multiplia en lithographies. Elle orna même des calendriers[4] et des objets. Une dévote de Corinne, qui voulait emporter au bal l’abrégé d’un grand tableau, déployait un ravissant petit éventail de papier monté sur ivoire, où l’on avait reproduit avec de vives couleurs décoratives, la scène de Corinne au Cap Misène[5]. Ce fétichisme n’aurait pas trop étonné Mme de Staël puisque, de son vivant, elle s’était fait représenter sur un sucrier. Elle avait fait peindre, en effet, par Jean-Pierre Mülhauser[6], un service où le château de Coppet figurait sous toutes ses faces. Les deux sucriers étaient ornés par l’image de Necker et par celle de Mme de Staël, telle qu’elle figure dans le crayon de Massot. Le service était un cadeau destiné à M. Massé-Diodati de Genève qui devait ainsi penser à l’aimable châtelaine de Coppet, chaque fois qu’il sucrait son café [7]. Quoi qu’il en soit, la multitude et la variété

  1. Bibl. nat. Estampes, collection Hennin.
  2. Une gravure représentant Mme de Staël servit de frontispice à une publication anglaise : Baroness of Staël-Holstein, frontispice to the 7th volume of the Newmonthly Magazine, published. Novembre 1st 1817, by Henry Colburn, engraved by H. Meyer. Mme de Staël est de face, en buste. Elle porte un turban. Le décolleté de la robe à haute taille est carré, bordé d’un petit volant. Autour du cou, un collier auquel une croix est suspendue, une écharpe sur les épaules (Bibl. nat. Est).

    Voir aussi : European Magazine, 1819. Gravure de Thomson d’après Gérard.

  3. Reproduction du portrait de Gérard accompagnée d’une biographie dans l’Iconographie instructive, Paris, Rignoux ; Biographie nouvelle des contemporains, 1825 ; Iconographie des contemporains, 1832, (Hesse del. Delpech lith.)
  4. Un fragment de calendrier pour le mois de juillet reproduit la tête de Mme de Staël dans un médaillon inspiré de Gérard. L’inscription du cartouche donne les noms de Sapho, Aspasie, Corine, Hipatie, Tullie, Arète (Bibl. nat. Est.)
  5. Cet éventail appartient à la comtesse de Pange.
  6. Mülhauser (Jean-Pierre), 1779-1839. Dessinateur et peintre de Genève : fondateur et directeur de l’établissement de peinture sur porcelaine du Manège. Ses produits sont connus sous le nom de Vieux Genève.
  7. Le service est aujourd’hui la propriété de Mlle Guiguer de Prangins, des-