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MADAME DE STAËL D’APRÈS SES PORTRAITS

énorme s’alourdit démesurément. La comparaison entre les physionomies est encore plus significative. Malgré l’affabulation déjà théâtrale de l’ensemble, le doux visage irrégulier que nous a conservé Mme Vigée Le Brun est vraiment un portrait ; il ne reste, au contraire, à peu près plus rien de la vivante héroïne dans le masque trop sculptural que peignit cette fois le baron Gérard. Consciencieusement il a idéalisé, jusqu’à la rendre inintéressante, celle qu’il avait restituée précédemment avec une raideur cruelle. L’ardeur vaporeuse des yeux et l’ampleur des épaules que dévoile la grande échancrure de la tunique, peuvent seules rappeler la véritable Corinne. La grande composition de Gérard, achevée en 1819, fut exposée au Salon de 1822 et durement critiquée par Thiers, académique au maximum, qui la trouvait trop dépourvue de « grandeur » et de « noblesse extérieure ». Le prince Auguste la donna à Mme Récamier qui la légua à son tour à la ville de Lyon[1]. Une réplique du tableau diminuée fut exécutée à la demande de Louis XVIII pour Mme du Cayla en 1828[2]. Des gravures de Bertonnier et de Prévost rendirent ces deux exemplaires accessibles à la foule.

Les traits de Mme de Staël qu’évoquèrent si souvent les peintres et les sculpteurs, ont connu, en effet, grâce à la gravure, une grande popularité. Rappelons ici les reproductions plus ou moins littérales des tableaux d’abord la lithographie d’Amélie Romilly qui reproduisit le dernier portrait de Massot et qui porte comme suscription : À G.-L. Necker, baronne de Staël, Massot à Genève en 1812, Amélie M. R. Del. ; ses contours sont un peu mous et ses teintes argentées[3]. Citons ensuite la gravure que Bouvier exécuta d’après sa miniature de 1816 et à laquelle il donna l’intitulation suivante : « Portrait de Mme de Staël peint par P.-L. Bouvier, d’après nature, à Coppet en 1816 et gravé en 1817, dédié à la duchesse de Broglie, en vente chez l’auteur à Genève. » Elle diffère un peu du prototype ; on peut noter, comme variante, la bibliothèque qui sert de fond à la gravure et que l’on ne trouve pas dans la miniature[4]. Suivant les exemplaires, les livres qui font l’originalité de cette estampe, apparaissent plus ou moins en vue[5]. Le portrait posthume de Gérard fut gravé, comme nous l’avons dit en 1817, par Largier, ensuite par

  1. Lenormant (Mme), Coppet et Weimar, Mme de Staël et la Grande duchesse Louise, p. 153. Le tableau est aujourd’hui au Musée de Lyon.
  2. Cf. les Salons de 1822 et 1828.
  3. Exemplaire à la Bibl. publ. un. de Genève, coll. Rigaud, 833.
  4. On peut citer entre autres exemplaires, celui du château de Coppet, celui du Fonds des Estampes au Musée des Beaux-Arts à Genève, celui du Musée de l’Ariana dans la même ville.
  5. Jazet reproduisit aussi en gravure, en 1818, la miniature de Bouvier (Bibl. nat. Estampes).