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MADAME DE STAËL D’APRÈS SES PORTRAITS

mobilité de son imagination. La bouche s’embellissait du charme de tous les sentiments qu’elle exprimait Elle avait un si grand fond d’esprit naturel et de ressources acquises que ce n’est jamais aux dépens des autres qu’elle tâchait de briller. En général, l’incomparable bonté de son cœur fut encore au-dessus de toutes les qualités de son esprit…[1] » C’est grâce à cette expression de bonté tendre et fervente, que la miniature de Bouvier attache, après une longue contemplation[2], tous ceux qui ont le bonheur de la regarder au château de Coppet.

Nous arrivons enfin aux portraits posthumes. Mme Basily-Callimachi nous dit qu’Isabey se servit des esquisses qu’il avait faites de Mme de Staël à différentes époques de sa vie pour exécuter un dernier portrait à la sépia. Dans cette œuvre qui appartint au docteur Oulmont et qui a été léguée par lui au musée d’Épinal, on retrouve certains traits du dessin du Louvre, qui date de la jeunesse de Mme de Staël, Ce sont les mêmes boucles tombantes, la même robe blanche, mais le corps est devenu plus épais, les yeux restent mis clos, dolents, l’expression affaissée. Mme de Staël est assise devant une bibliothèque près du buste de son père[3].

Le portrait de Gérard a une toute autre célébrité. Quand Mme de Staël fut morte, la duchesse de Broglie voulut faire revivre une dernière fois les traits de sa mère. Elle s’adressa à François Gérard[4], le peintre fécond et varié, l’évocateur de batailles et le portraitiste de toute une époque qui avait déjà reproduit les traits de Mme Récamier. Le peintre s’inspira des documents et des indications qui lui furent procurés. La duchesse de Broglie lui prêta la miniature de Bouvier, Mme Récamier[5] le dernier Massot. L’œuvre que Gérard réalisa, satisfit la duchesse de Broglie au moins officiellement et le peintre reçut de celle-ci, en récompense, un manuscrit des Considérations sur la Révolution.

  1. Notice d’Henri Meister sur le portrait de Mme de Staël, citée dans les Lettres inédites de Mme de Staël à Henri Meister, publiées par Usteri et Ritter.
  2. Bouvier reproduisit lui-même son œuvre l’année suivante, dans une gravure qui porte cette inscription : « Portrait de Mme de Staël, peint par P.-L. Bouvier d’après nature à Coppet en 1816 et gravé en 1817 ; chez l’auteur à Genève. »
  3. Basily-Callimachi, op. cit., p. 281.
  4. Gérard (François), né à Rome le 11 mai 1770, mort à Paris le 11 janvier 1837. Étudie dans l’atelier de David ; membre du tribunal révolutionnaire ; expose son œuvre de début : Bélisaire, en 1793. Peint en portraits de nombreuses célébrités de l’époque : le général Moreau, Mme Récamier, Mme Laetitia, Joséphine et de grands succès : la Bataille d’Austerlitz, l’Entrée de Henri IV à Paris, le Sacre de Charles X.
  5. Cf. Herriot (Edouard), Mme Récamier et ses amis, p. 279. Une lettre de Mme Récamier à Gérard à la suite de cet envoi est conservée à la bibliothèque de Montpellier (Ann. du fonds Fabre).