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MADAME DE STAËL D’APRÈS SES PORTRAITS

ture que Pierre-Louis Bouvier[1] exécuta à Coppet en 1816. La date ne fait aucun doute. La Gazette de Lausanne du 8 août 1817 dit, en effet « M. Bouvier, peintre en miniature distingué, vient de terminer une gravure d’après un portrait de Mme de Staël qu’il fut appelé à peindre l’automne dernier. » Ce joli bijou si soigné, aux teintes blanches et roses : rose de fleurettes brodées au plumetis sur le turban et sur la robe de mousseline, teinte cerise clair de la grande écharpe, est une suprême relique. Elle clôt et scelle le dernier grand été de Coppet, celui qui vit venir une affluence extraordinaire de visiteurs étrangers au nombre desquels se trouvait lord Byron. Elle est contemporaine des suprêmes règlements de compte : le mariage avec Rocca et le dernier testament. Quand on examine la miniature en tant que portrait, elle ne séduit pas complètement. Le turban garni de trois plumes ressemble trop à une pièce d’ameublement ou à un catafalque immaculé ; les cheveux paraissent avoir été réunis par des bigoudis sans grâce ; le visage n’a pas l’aspect maladif du dessin anglais ; les traits sont lourds, le double menton se dessine fortement mais quand on regarde longuement les beaux yeux expressifs et bons, on subit un dernier charme et on partage l’avis des contemporains qui aimaient ce portrait, tout en le trouvant très ressemblant. Henri Meister, qui écrivit une notice sur lui, dit en effet : « On doute qu’il soit possible de voir un portrait de Mme de Staël plus ressemblant que celui qu’en a fait Bouvier et c’était une tâche difficile, parce que le caractère de sa physionomie tenait bien moins à la forme de ses traits, qu’à l’intéressante mobilité de leur expression, au charme éloquent de ses regards, à la finesse ainsi qu’à l’aimable douceur de son sourire. C’est ce que le talent de l’artiste paraît avoir su retracer aussi fidèlement que le pouvait rendre la magie d’un pinceau comme le sien. » Meister, dans la même notice, fait l’éloge, au point de vue physique et moral, de Mme de Staël arrivée à la cinquantième année « Il était impossible de voir et d’entendre Mme de Staël, sans être frappé du caractère spirituel et vrai de sa physionomie. Les formes de son front, de tout le haut du visage, conservaient toujours l’air de jeunesse le plus intéressant. La vivacité des yeux peignait tout à la fois la profonde chaleur de son âme et l’étonnante

  1. Bouvier (Pierre-Louis), fils de l’horloger Jean Bouvier, né à Genève en 1766, mort à Genève en 1836. Il fit d’abord un apprentissage de peintre sur émail dans l’atelier Fabre à Genève, puis il alla étudier la peinture chez Vestier à Paris. Après un séjour à Hambourg, il revint se fixer à Genève où il exécuta, outre de très nombreuses miniatures, un grand nombre de portraits. Le musée Rath à Genève, possède le portrait du graveur Laline, le portrait de Bouvier par lui-même, le portrait de ses enfants, le musée de l’Ariana : le portrait de John Rocca, la Société des Arts de Genève, les portraits d’A.-P. de Candolle, de Senebier, du duc de Bassano, du fils du peintre.