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MADAME DE STAËL D’APRÈS SES PORTRAITS

de vous, mais enfin je me mets ainsi à vos pieds[1]. » Si la réplique en marbre s’en alla en Allemagne, le plâtre original resta à Coppet. Une autre reproduction en bronze est au château de Broglie. Mme de Staël continua à s’intéresser à Frédéric Tieck, toujours « un peu pauvre quoiqu’il ait du talent[2] » ; Tieck séjourna à Coppet encore en 1809,1815,1816 ; il exécuta deux bustes d’Albertine de Staël[3], un de Rocca qu’il détruisit et une grande statue de Necker, aujourd’hui dans le vestibule du château de Coppet. À côté du buste de Tieck, un autre buste de Mme de Staël est aussi conservé à Coppet, œuvre peu ressemblante d’un anonyme qui l’a travestie en Melpomène voilée à l’antique, au maigre et anguleux visage.

Revenons aux peintres maintenant et à une dernière catégorie de portraits de Mme de Staël : ceux de la seconde maturité. L’expression juvénile va disparaître ; le modèle coiffera désormais le gros turban placé en arrière de la tête. Cette nouvelle catégorie s’ouvre par deux autres portraits de Firmin Massot. Les relations n’avaient pas cessé, en effet, entre la châtelaine de Coppet et le peintre redevenu genevois. Pendant le grand été de 1807, alors que Corinne était exaltée par Mme Vigée Le Brun, Massot peignait un charmant et curieux médaillon de Mme Récamier : tête penchée, boucles en touffe sur la tempe gauche, robe de gaze légère[4]. Entre 1810 et 1812, il exécuta deux portraits jumeaux de Mme de Staël. L’un est un fusain conservé à Coppet, l’autre un portrait en pied à l’huile, légué par Mme Récamier au prince Albert de Broglie[5]. En 1810, en effet, Mme de Staël allait poser à Genève chez Massot. Pour dissiper l’ennui de la séance, on faisait de la musique ; Amélie Romilly, l’élève du peintre, pinçait agréablement de la harpe. M. de Voght qui accompagnait Mme de Staël disait : « Le portrait sera ressemblant, sans cette exagération qui, parmi d’autres causes, dépare le portrait de Mme Le Brun[6]. » D’autre part, le portrait à l’huile a été reproduit par l’élève de Massot, Mlle Romilly, dans une lithographie qui

  1. [Mme Lenormant], Coppet et Weimar, Mme de Staël et la Grande duchesse Louise, p. 153.
  2. Usteri (Paul) et Ritter (Eugène), op. cit., p. 217.
  3. « Voulez-vous avoir la bonté. Monsieur, de payer pour mon compte, vingt louis à M. Tieck qui se trouve à Zurich maintenant et qui m’a envoyé le portrait de ma fille plus idéal que ressemblant. J’acquitterai ces vingt louis où vous voudrez. Mais j’ai osé compter sur l’intérêt que vous auriez la bonté de mettre à ce sculpteur un peu pauvre quoiqu’il ait du talent. » (Ibid., p. 217.)
  4. Baud-Bovy, op. cit., II, p. 77.
  5. Herriot (Edouard), Mme Récamier et ses amis, p. 279.
  6. Kohler, op. cit., p. 484. Lenormant (Mme Ch.). Mme Récamier, les amis de sa jeunesse et sa correspondance intime, Paris, Michel Lévy, 1872, p. 61.