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MADAME DE STAËL D’APRÈS SES PORTRAITS

être attribué maintenant qu’à Tieck. Il fut exécuté pendant le long séjour que le sculpteur fit à Rome de 1805 à 1808. En février 1806, Schlegel écrivait : « Le sculpteur Tieck termine actuellement un bas-relief pour le monument des Necker, sur la commande de Mme de Staël[1]. » Le bas-relief est vu dans l’atelier du sculpteur par Guattani : « Mme de Staël a voulu que le bas-relief la représente en pleurs, agenouillée devant l’urne qui renferme les chères dépouilles et le visage couvert. Comme ce voile exprime bien l’intensité de sa douleur ! Comme il en laisse deviner la profondeur ! Sans doute, la fille de Necker s’est-elle rappelé le voile d’Agamemnon, celui de César et elle eut peut-être en vue à ce moment, notre célèbre statue de Sainte-Cécile gisante de Maderna. Plus haut, le père s’élève de terre, tendant une main à sa fille comme s’il ne pouvait pas s’en détacher : par l’autre, il est attiré au ciel par sa chère épouse, décédée avant lui et déjà indigène de l’Olympe[2] ». Le bas-relief arriva à Coppet l’été de 1808. Mme de Staël écrivait à O’Donnel : « J’ai trouvé ici le bas-relief de Tieck pour les trois tombeaux de mon père, ma mère et moi ; ma mère prend mon père par la main pour le conduire au Ciel et lui, il jette un regard de bonté vers une figure à genoux et couverte d’un voile ; c’est vraiment très beau et tout sera prêt quand je l’aurai fait poser tout pour moi, si le sort et vous le voulez[3]. »

À l’automne de 1808, Tieck vient lui-même à Coppet ; après avoir orné la porte du tombeau où la morte devait dormir, le sculpteur regarda la vivante et il modela un buste charmant, poupin et frisé. La coiffure où un ruban plaque quelque peu les bouclettes rappelle celle de Joséphine. Mme Lenormant nous certifie la date de l’œuvre : « Dans l’automne de 1808, le sculpteur Frédéric Tieck, un frère du poète, vint à Coppet et modela le buste de Mme de Staël dont elle fit présent à la duchesse Louise. Il est placé aujourd’hui dans la Bibliothèque de Weimar et garde une expression de jeunesse dans les traits[4]. »

C’est en février 1809 que Mme de Staël fit cadeau de son buste en marbre à la duchesse : « Madame…, lui écrivait-elle, je vais prendre la liberté de vous envoyer une copie du buste que Tieck a fait de moi. Ce n’est pas en pierre que j’aimerais à me sentir auprès

  1. Schlegel (A.-W.), Briele von und an — gesammelt und erlaeutert durch Josef Korn, Almatea Verlag. Zurich, 1929, p. 198.
  2. Hildenbrandt (Edmund), Friedrich Tieck, Leipzig, 1906.
  3. Mistler (J.), Mme de Staël et Maurice O’Donnel, Paris, Calmann, 1926, p. 196.
  4. [Mme Lenormant], Coppet et Weimar, Mme de Staël et la grande duchesse Louise, Paris, Michel Lévy, 1862, p. 153.