Page:Bezard - Madame de Staël d’après ses portraits, 1938.pdf/27

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
21
MADAME DE STAËL D’APRÈS SES PORTRAITS

tion…[1]. » Les miniatures désignées dans cette lettre sont conservées au château de Coppet. Dans leur orbe circulaire, la tête du portrait de Mme Vigée Le Brun est reproduite, inclinée sur le côté, les cheveux ébouriffés. Le manteau pétale de rose et non capucine est drapé sur une tunique à l’antique. L’un des exemplaires, dans son exquise finesse, possède la teinte mate habituelle des miniatures, l’autre, l’aspect glacé de l’émail. Ce dernier fut exécuté par le « très fameux émailliste » dont parle Mme Nigris. Une troisième miniature analogue, reliée avec les lettres de Mme Récamier et qui appartient au Docteur Lenormant, est l’œuvre du peintre genevois, Arlaud-Jurine, spécialiste de la miniature et de l’aquarelle[2]. Mme de Staël y est représentée, vêtue d’une tunique à la grecque, agrafée sur l’épaule droite, bordée d’une légère broderie rouge, un manteau rouge jeté sur l’épaule gauche, la gorge, la partie supérieure du bras droit découvertes. Comme dans le portrait de Mme Vigée Le Brun, les lèvres s’entr’ouvrent, la figure est pleine et arrondie, le regard inspiré ; la chevelure frisée recouvre la plus grande partie du front. La miniature est signée Arlaud pinx.[3]. Un dessin exécuté en vue de cette miniature, appartenant aujourd’hui à la Société des Arts de Genève, transforme Germaine de Staël en cariatide au cou puissant[4]. L’œuvre de Mme Vigée Le Brun inspira une autre imitation, un peu plus éloignée du modèle, où celui-ci est cependant encore reconnaissable. Nous voulons parler du crayon estompé d’Amélie Munier-Romilly, conservé au Musée des Beaux-Arts de Genève. La pose et le costume sont analogues à ceux du célèbre portrait, la tête, en revanche, au lieu d’être ornée seulement de ses cheveux bouclés, est coiffée d’un turban d’où tombe un pan terminé par une frange[5].

Il faut enfin noter une dernière reproduction, celle qui fut entre les mains de Prosper de Barante, gage d’amour comme le tableau envoyé à Ribbing. Le jeune homme désirait passionnément en 1809, avoir dans sa lointaine préfecture de Vendée, un portrait qui lui rappelât son

  1. Archives de Coppet. Lettre de Mme de Nigris à Mme Vigée-Lebrun, 18 avril 1808.
  2. Arlaud-Jurine (Louis-Ami), 1751-1829. Peintre en miniature, né à Genève, neveu de J.-A. Arlaud, peintre du Régent. Il étudia à Genève chez Liotard, à Paris chez Vivien, voyagea en Italie, vécut douze ans à Londres. Il exécuta 1.504 portraits.
  3. Cette miniature est reproduite dans le Trésor des Bibliothèques de France, Paris, Van Œst, t. III, p. 81. M. Paul Gautier lui a consacré une notice.
  4. Reproduit dans Nos anciens et leurs œuvres, Genève, t. I, p. 8.
  5. Munier-Romilly (Amélie), née à Genève en 1788. Elle étudia à l’école du Calabri, devint l’élève de Massot en 1805, alla à Paris en 1812, entra en relations avec Vernet, Gérard, David, Guérin, Isabey. Revenue à Genève, elle installa son atelier près de celui de Massot. Elle exécuta plus de 5.000 portraits au crayon, à l’estampe, à l’huile, au pastel. En 1821 elle épousa le pasteur Munier. Elle mourut en 1875.