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MADAME DE STAËL D’APRÈS SES PORTRAITS

fantaisie et je viens d’éprouver un procès considérable qui m’oblige à des ménagements de fortune[1]. » Mme Nigris approuve Mme de Staël et trouve scandaleux les prix demandés par les graveurs : « Je conçois parfaitement, Madame, que l’énormité des prix que demandent les graveurs, jointe à la raison que vous me mander, vous fasse absolument changer d’avis et que vous ne désiriés plus faire graver votre portrait. J’ai été bien étonnée des demandes qu’ont faites Mrs Desnoyers[2] et Tardieu[3], nos deux meilleurs graveurs ; je les trouve exhorbitantes[4]. »


Mme de Staël se contenta de reproductions en miniatures. Elle avait chargé Mme Nigris de cette exécution. Le 18 avril 1808, la fille de Mme Vigée Le Brun écrivait :


 « Madame,

« Il a déjà quelques mois que je parois sans doute coupable envers vous d’une négligence impardonnable relativement à la commission que vous me donniez dans une lettre à M. de Maleteste dans laquelle vous me chargiez, Madame, de faire copier le Portrait que ma mère a fait de vous, mais le tableau n’étant pas encore achevé, je n’ai pu m’en occuper. Je me rappelle que vous en désiriez une miniature, mais je voudrois savoir de quelle grandeur vous la voulés. Faut-il ne faire copier que le buste ou tout le tableau entier ? Ou bien voulez-vous une demie grandeur ? C’est à dire buste avec les bras et les mains. Veuillez avoir la bonté de me faire savoir vos intentions et, en même temp, permettez moi, Madame, de vous demander s’il vous seroit indifférent que je fisse faire cette copie par un très fameux émailliste que nous avons ici et qui la feroit, je crois, d’autant mieux qu’il a déjà copié deux de mes portraits d’après ma mère ; ayes donc, Madame, la bonté de me faire savoir vos intentions le plus promptement possible ; ma mère, sous très peu de jours, aura entièrement achevé votre portrait et aussitôt que vous m’aurait fait savoir la grandeur dont vous désirez votre copie, on la commencera. Soyez convaincu, Madame, de tout le soin que je mettrai à ce qu’elle soit bien exécutée, puisque vous avez la bonté de m’en confier la direc-

  1. Vigée-Lebrun (Mme), Souvenirs, II, p. 194. Lettre du 9 janvier 1809.
  2. Desnoyers (Auguste-Gaspard-Louis Boucher, baron), 1779-1857, membre de l’Institut en 1816, nommé graveur du Roi en 1825. Œuvres principales, d’après Raphaël : la Belle Jardinière (1804), la Vierge à la chaise (1814), la Vierge de Saint-Sixte (1846).
  3. Tardieu (Pierre-Alexandre), 1756-1844. Il a surtout gravé de petites estampes.
  4. Archives de Coppet. Lettre de Mme Nigris à Mme de Staël, 4 février 1809.