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MADAME DE STAËL D’APRÈS SES PORTRAITS

d’édition et qu’il faut placer en septembre 1807, la visite d’une semaine que Mme Vigée Le Brun fit à Coppet et la première esquisse du célèbre portrait[1]. Il s’appuie sur une lettre de Mme de Staël à Henri Meister, du 7 août 1807 « Pourquoi ne viendriez-vous pas, avec Mme Meister, à Coppet ? Nous y serons le 25 août à poste fixe. Je voudrais fort que Mme Le Brun vînt à Coppet. Je ne sais si j’oserais me faire peindre en Corinne par elle, mais Mme Récamier serait un charmant modèle. Dans tous les cas, la société de Mme Le Brun est aussi aimable que son talent et nous serions charmés de la voir et sur une autre du 18 septembre : «…Mme Le Brun a fait un portrait de moi qu’on trouve très remarquable. Elle l’a porté à Paris. Il est pris comme une sibylle ou comme Corinne si vous l’aimez mieux[2]. » Le texte même des Souvenirs indique qu’il s’agit de l’été 1807. Mme Vigée Le Brun signale, en effet, la présence à Coppet, en même temps qu’elle, du prince Auguste de Prusse, alors au plein de ses amours avec Juliette Récamier et qui n’y revint pas l’été suivant. Elle dit : « Je trouvai à Coppet plusieurs personnes établies, la bien jolie Mme Récamier, le comte de Sabran et un jeune Anglais, puis je vis arriver Benjamin Constant et le prince Auguste-Ferdinand de Prusse[3]. »

Une lettre de Mme de Staël à Mme Le Brun, citée en note dans l’édition des Souvenirs, peut servir aussi à établir cette correction. Bien qu’ayant reçu la date du 16 septembre 1808, elle doit être d’octobre ou novembre 1807. Mme de Staël y annonce, en effet, son prochain départ pour Vienne qui eut lieu le 23 novembre 1807 : « Je vais à Vienne passer l’hiver ; si je pouvais vous y être utile, donnez-moi vos commissions ; je les ferai très exactement ; il est bien juste que je vous rende un peu dans le réel de la vie ce que vous avez fait pour moi dans l’idéal[4]. »

Le portrait au décor pompeux, au visage émouvant, est donc bien, suivant toute vraisemblance, l’expression parfaite du grand été 1807, été de gloire extérieure et de souffrances intimes. Corrine avait paru au printemps. L’été, on joua les classiques sur les tréteaux de Coppet. L’artiste assista à une séance où fut représentée la Sémiramis de Voltaire ; Mme de Staël y tint le rôle d’Azéma[5]. Peu de temps avant le séjour de Mme Vigée, avait été donnée dans la grande galerie de Coppet, aujourd’hui aménagée en bibliothèque, la représentation d’Andromaque où Germaine de Staël avait laissé éclater les fureurs

  1. Kohler, Mme de Staël et la Suisse, p. 471.
  2. Ustéri (Paul) et Ritter (Eugène), Lettres de Mme de Staël à Henri Meister, Paris, Hachette, 1903, p. 193 et 200.
  3. Vigée-Lebrun (Mme), Souvenirs, II, p. 194.
  4. Ibid., p. 194.
  5. Ibid., p. 196.