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MADAME DE STAËL D’APRÈS SES PORTRAITS

du Louvre[1]. C’est la trentaine opulente. Mme de Staël est représentée de face, en buste ; les longues boucles dénouées de ses cheveux, fixées par un lien autour du front, tombent sur ses épaules. Elle est vêtue d’une robe en mousseline que maintient une ceinture de velours. Un manteau de soie repose sur les épaules. Le visage régulier quoique lourd, ressemble plus aux portraits de Manon Roland qu’aux autres effigies de Germaine Necker. La comtesse de Pange en caractérise l’expression en ces termes : « Ce qui frappe dans la physionomie, c’est le contraste entre le haut et le bas du visage. Sous les paupières alourdies, filtre un regard chargé de rêve et de pensée, peut-être d’inquiétude. Mais un sourire de confiance erre sur la bouche et les lèvres s’entrouvrent comme pour aspirer toutes les promesses de la vie[2]. » Une réplique de ce dessin datée de 1810, se trouve au château de Coppet.

Après ces portraits de l’adolescence et de la jeunesse, nous nous trouvons en face d’un groupe imposant d’images qui datent des alentours de la quarantaine, le temps de la gloire et de l’exil, celui qui va du voyage en Allemagne de 1803 à la grande année 1807, année de réceptions et de rupture. Elles nous présentent le modèle avec des nuances diverses, gardant toujours un aspect de fraîcheur et de jeunesse, malgré l’ampleur des formes. La première, en date, de cette période, serait, d’après le comte d’Haussonville, un portrait sans attribution, conservé à Coppet et qu’il identifie avec celui dont il est question dans une lettre de M. Necker, datée de mars 1804 et adressée à sa fille « On vient, dit l’ancien ministre, de m’apporter ton portrait ; je l’ai bien regardé et je le regarderai. » Mme Rillet crie : « Parfait, parfait pour la ressemblance » et moi je trouve qu’on l’a un peu gâté et qu’on a substitué, je ne sais comment, une teinte mélancolique à l’air animé qu’il avait[3]. » L’auteur de Delphine y figure, debout devant les arbres d’un grand parc, celui de Coppet

    deux dessins sur le Sacre de Napoléon (1804) ; le Congrès de Vienne (1815), dessin ; l’Escalier du Louvre (1817), aquarelle sur ivoire et quantité de miniatures. Cf. Basily-Callimachi, Isabey, Paris, Frazier-Soye, 1909, in-4°.

  1. Cf. Guiffrey (Jean) et Marcel (Pierre), Inventaire des dessins du Louvre, Paris, Morel et Eggimann, 1912 ; VII, n° 5.141.
  2. Pange (Comtesse de), Mme de Staël et François de Pange, p. 118.
  3. « En plus du portrait classique de Gérard qui a été fait après la mort de Mme de Staël, il y a à Coppet quatre portraits à l’huile de Mme de Staël : un portrait du peintre genevois Massot où elle semble avoir de 25 à 30 ans, un petit portrait de Mlle Gérard où elle est représentée avec sa fille Albertine, une réduction de la main même de Mme Lebrun du tableau qui est au musée de Genève, enfin, un grand portrait en pied d’un peintre inconnu. C’est probablement de celui-là que parlent M. Necker dans cette lettre et Mme de Staël dans une lettre précédente où elle dit n’avoir promis pour ce portrait que 250 francs. » (Haussonville, Mme de Staël et M. Necker, Revue des Deux Mondes, 15 juin 1914.)