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MADAME DE STAËL D’APRÈS SES PORTRAITS

cles descendent le long du cou ; une mèche se détache comme un pinceau sur la joue. La jeune fille porte déjà une robe blanche et un manteau bleu à l’antique. Elle devance les modes du Directoire. C’était le temps où elle s’habillait en nymphe et en muse pour se promener dans les bosquets avec son amie Mlle Huber[1].

Germaine, avant son mariage, a encore été représentée dans un portrait que Sainte-Beuve a vu et décrit en ces termes : « Cheveux épars et légèrement bouffants, l’œil confiant et baigné de clarté, le front haut, la lèvre entrouverte et parlante, modérément épaisse en signe d’intelligence et de bonté, le teint animé par le sentiment, le cou, les bras nus, un costume léger, un ruban qui flotte à la ceinture, le sein respirant, à pleine haleine, telle pouvait être la Sophie de l’Émile…[2] ».

On pourrait ajouter, si l’on s’en fiait aux attributions, un portrait qui voisine au Musée de l’Assistance publique à Paris avec la réplique du portrait de Mme Necker par Duplessis[3]. La figure un peu étroite et enfantine, au nez droit et court, à la bouche charnue, que prolonge une haute perruque blanche aux boucles roulées, n’est pourtant pas celle de Mme de Staël. Suivant l’avis autorisé de la comtesse de Pange, il s’agit d’un deuxième portrait de Mme Necker grande bienfaitrice des pauvres, fondatrice de l’hôpital qui porte aujourd’hui son nom[4].

La Révolution passe maintenant. En 1789, les traits de Mme de Staël furent reproduits par Quenedey avec les procédés du physionotrace[5]. Mme de Staël est en buste, de profil à gauche. Les cheveux bouclent sur le haut de la tête et tombent sur les épaules, l’œil est gai et vif ; le corsage à berthe est bordé d’un ruche autour du décolleté[6]. La jeune ambassadrice à l’apogée de sa vie amoureuse, la tendre amie de Narbonne et de Montmorency, la protectrice des émigrés, fut peinte pendant son séjour de 1793 en Angleterre, déguisée en bacchante.

Son retour dans sa patrie d’origine nous a valu deux portraits ravissants, visions exquises de jeunesse et de poésie, qui furent exécutés aux bords du Léman où Mme de Staël cachait ses chers fugitifs. Le plus ancien des deux portraits, qui date de décembre 1794, à la plus romanesque des histoires. Une petite gouache, symphonie en blanc et

  1. Kohler, Mme de Staël et la Suisse, p. 53.
  2. Sainte-Beuve, Portraits de femmes, Paris, Garnier, in-12, p. 92.
  3. L’original du portrait de Mme Necker est au château de Coppet.
  4. Cf. Lécuyer (Raymond), Un nouveau musée parisien dans l’hôtel des Miramiones (Illustration, 5 mai 1934).
  5. Procédé de décalque du profit humain inventé par Chrétien et vulgarisé vers 1787, par Edme Quenedey.
  6. Ce portrait est à la Bibl. nat. Dép. des Estampes. Cf. Hennequin (René), Les portraits au Physionotrace gravés de 1788 à 1930, Troyes, 1932, in-4°, p. 108