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POÈTES D’AUJOURD’HUI

çois du Bard. Le fils de ce dernier, Antoine du Bard, épousa, en 1662, Marie de Saumaise de Chasans, arrière-petite-nièce du célèbre érudit Claude de Saumaise et de Charlotte de Saumaise, comtesse de Brégy, dame d’honneur de la Reine Anne d’Autriche, qui a laissé des Lettres et des Poésies et fut une « précieuse » de marque. Ce mariage apporta à Antoine du Bard les terres de Chasans, Ternant et Curley, dont ses descendants portèrent les noms. Il en naquit Marc-Antoine du Bard de Chasans, dont le fils, Bénigne du Bard de Chasans, conseiller au Parlement de Dijon, fut le père d’Alexandre-Anne du Bard de Curley (1765-1849). On arrive alors à Alexandre du Bard de Curley (1805-1874), grand’père maternel de M. de Régnier, et qui épousa, en 1832, Mademoiselle de Guillermin [1].

M. Henri de Régnier passa à Honfleur une partie de son enfance. Dans un petit volume qui a pour titre Le Trèfle blanc, au chapitre intitulé : La Côte Verte, il a noté quelques-unes des impressions qui lui sont restées de ses premières années. En 1871, sa famille vint à Paris, et en 1874 il entra au Collège Stanislas. Bachelier en 1883, il fit ensuite son droit, pour satisfaire aux désirs de sa famille, qui voulait qu’il eût un métier, puis passa l’examen des Affaires étrangères. Au collège, il avait déjà commencé à écrire des vers, sans aucun dessein, comme une chose naturelle. Les premiers qu’il eut d’imprimés le furent dans Lutèce, où il débuta en 1885, et il y a des vers de collège dans son premier recueil, Les Lendemains, publié la même année à la librairie Vanier. En 1886, il publia à la même librairie un deuxième recueil : Apaisement.

M. de Régnier vivait alors très retiré. Le seul écrivain qu’il connût était Sully Prudhomme. Il avait lu et lisait beaucoup Hugo. Il lisait aussi Baudelaire, Vigny, Mallarmé, et les sonnets de José Maria de Heredia, épars dans les revues et que les lettrés collectionnaient. Son ardeur poétique ne l’occupait pas tout entier. Un autre côté de son esprit le portait vers les livres d’analyse, les romans, les mémoires, tout ce qui peint la vie et les hommes. « J’étais double, en quelque sorte, explique-t-il à ce sujet ; symboliste et réaliste, aimant à la fois les symboles et les anecdotes, un vers de Mallarmé et une pensée de Chamfort, » Seulement, le besoin poétique fut longtemps le plus fort en lui. Il comprenait aussi qu’on n’écrit guère de romans valables à vingt ans, qu’il est nécessaire d’avoir un peu vécu, et il attendait. Son œuvre poétique avancée, il songea davantage au roman. Il écrivit alors ses contes ; Contes à soi-même, La Canne de Jaspe, qui lui furent une transition, un

  1. Extrait de Henri de Régnier. Collection des Célébrités d’aujourd’hui. Paris, Sansot. 1904.