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ERNEST RAYNAUD

1864


M. Ernest-Gabriel-Nicolas Raynand est né à Paris le 22 février 1864, languedocien par son père et ardennais par sa mère. Il fit ses études au lycée Charlemagne. Tourné de très bonne heure vers les lettres, il était encore lycéen qu’il écrivait déjà des vers. Il avait élu comme maître Paul Verlaine, preuve d’un goût sur autant que libre, si l’on songe qu’un jeune homme se tourne d’ordinaire plutôt vers les talents consacrés et célèbres. Un jour il lui adressa des vers, que l’auteur de Sagesse remit à Lutèce, où ils furent publiés et bientôt suivis d’autres. Ce furent les débuts de M. Ernest Raynaud et sa première collaboration aux revues littéraires. Dans Lutèce, M. Ernest Raynaud publia, en même temps que des vers, des études et des fantaisies, une petite série de poèmes en prose : Le Carnet d’un Décadent, où se montrait déjà très sûrement sa personnalité, faite d’émotion et d’ironie. Le Décadent, fondé par M. Anatole Baju, M. Ernest Raynaud y collabora ensuite de façon assidue, le rédigeant presque entier à lui seul, sous les pseudonymes les plus divers, notamment celui du Général Boulanger, du nom duquel il signa des sonnets dont toute la presse de l’époque s’occupa, et celui d’Arthur Rimbaud, pour des pastiches qui trompèrent les meilleurs connaisseurs de l’auteur du Bateau ivre. M. Ernest Raynaud s’est fait ainsi une petit place parmi les mystificateurs littéraires, rôle où il faut autant de talent que d’ingéniosité. En 1887, M. Ernest Raynaud fit paraître son premier recueil : Le Signe, où J.-K. Huysmans admirait « des pièces vraiment belles, celle de la pauvreté, surtout, où la tristesse des dimanches embêtés, sans le sou, sans le désir de lire, se déployait avec une belle âcreté, et, dans un genre autre, Les Trianons, dont la grâce fardée était tout exquise. » Le Signe fut suivi en 1889 de Chairs Profanes, et en 1890 des Cornes du Faune, dont toute la critique fut unanime à louer le profond sentiment poétique et la subtilité d’esprit. À la fin de 1889, M. Ernest Raynaud prit part, avec MM. Albert Aurier, Jean Court, Louis Denise, Édouard