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TRISTAN CORBIÈRE

1841-1875



Edouard-Joachim (dit Tristan) Corbière naquit à Coat-Congar, domaine situé dans la commune de Ploujean, à quelques lieues de Morlaix, le 18 juillet 1845. Il était le fils de Jean-Antoine-René-Edouard Corbière (1793-1875) fort connu en son temps comme auteur de romans maritimes : Le Négrier, Les Pilotes de l’Iroise, Le Banian, Tribord et Babord, etc., etc. Nous puisons dans l’ouvrage de M. René Martineau, qui s’est fait l’historiographe pieux et exact du poète des Amours jaunes, les renseignements de cette notice. L’enfance de Corbière fut débile. Déjà aussi, il manifestait ce caractère fantasque qu’on devait lui voir plus tard, et l’on raconte qu’il s’administrait des drogues pour ne pas aller à l’école. Quand sa mère, qu’il obligeait à des soins continus par sa mauvaise santé, la plaignait et l’engageait à ne pas se tracasser pour ses devoirs : « Pourtant, lui répondait-il, navré, en se frappant le front, je sens qu’il y a quelque chose là ! » A douze ans, il entra au lycée de Saint-Brieuc, mais ne put y rester que deux années et demie, obligé, par sa santé, à rentrer à la maison paternelle. Ses parents l’envoyèrent ensuite chez un cousin, à Nantes, où il suivit, comme externe, les cours du lycée. Une seconde crise de maladie vint interrompre définitivement, au bout de deux ans, ses études. Après un séjour à Cannes, il vint alors s’établir à Roscoff. Corbière avait à cette époque dix-neuf ans, et la tournure la plus singulière : grand, maigre, une barbe inculte en pointe, un nez énorme, accoutré bizarrement, tantôt en forçat, avec le bourgeron, le pantalon de toile et les sabots, tantôt en matelot, avec les boites de mer montant jusqu’aux genoux, et un feutre cabossé. Il voulut d’abord être peintre, puis dessinateur, sans jamais avoir appris à dessiner. C’était là, comme sa poésie, pure aspiration d’artiste, au vrai sens du mot. Il peignait des démons, des diables, toutes figures portant l’empreinte de son physique, hanté qu’il était par son type, et crayonnant sa charge sur