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mes qu’on retrouve également dans Serres Chaudes, puis, à la fin de 1889, il fit paraître La Princesse Maleine, drame en cinq actes, où l’on voulut voir, à tort, une imitation de Shakespeare. C’est de la publication de La Princesse Maleine que date la grande réputation de M. Maurice Maeterlinck. Un écrivain se trouva, en effet, assez curieux pour lire cette œuvre, assez épris des novateurs et assez clairvoyant pour l’apprécier, et assez courageux, si l’on songe à toute la routine d’esprit contre laquelle il allait, pour faire part de son enthousiasme au public. Ce fut M. Octave Mirbeau, et l’article qu’il écrivit à ce sujet dans le Figaro (24 août 1890) rendit célèbre du jour au lendemain le nouvel écrivain. « Je ne sais rien de M. Maurice Maeterlinck, écrivait M. Mirbeau. Je ne sais d’où il est et comment il est. S’il est vieux ou jeune, riche ou pauvre, je ne le sais. Je sais seulement qu’aucun homme n’est plus inconnu que lui ; et je sais aussi qu’il a fait un chef-d’œuvre, non pas un chef-d’œuvre étiqueté chef-d’œuvre à l’avance, comme en publient tous les jours nos jeunes maîtres, chantés sur tous les tons de la glapissante lyre — ou plutôt de la glapissante flûte contemporaine ; mais un admirable et pur et éternel chef-d’œuvre, un chef-d’œuvre qui suffit à immortaliser un nom et à faire bénir ce nom par tous les affamés du beau et du grand ; un chef-d’œuvre comme les artistes honnêtes et tourmentés, parfois, aux heures d’enthousiasme, ont rêvé d’en écrire un et comme ils n’en ont écrit aucun jusqu’ici. Enfin, M. Maurice Maeterlinck nous a donné l’œuvre la plus géniale de ce temps, et la plus extraordinaire et la plus naïve aussi, comparable — et oserai-je le dire ? — supérieure en beauté à ce qu’il y a de plus beau dans Shakespeare. Cette œuvre s’appelle La Princesse Maleine. Existe-t-il dans le monde vingt personnes qui la connaissent ? J’en doute… » Une si éclatante révélation de son nom ne troubla point M. Maurice Maeterlinck dans sa vie paisible. Pendant que tout le monde discutait autour de son œuvre, il continua à travailler, et bientôt d’autres drames vinrent s’ajouter à La Princesxe Maleine. D’abord L’Intruse, représentée au Théâtre d’Art en juin 1891, dans une soirée au bénéfice de Paul Verlaine et du peintre Gauguin, puis Les Aveugles, représentés au même théâtre quatre mois après, puis Les Sept Princesses. Entre temps, M. Maurice Maeterlinck avait publié une traduction de L’Ornement des Noces Spirituelles, traité de mystique du moine flamand Ruysbroeck l’Admirable, avec une Introduction qui fut la première de ces méditations métaphysiques qui composent aujourd’hui ces livres universellement connus : Le Trésor des Humbles, La Sagesse et la Destinée, Le Double Jardin, La Vie des Abeilles et Le Temple enseveli. En 1893, MM. Lugné Poe et Camille Mauclair firent représenter aux Bouffes-Parisiens un nouveau drame de M. Maurice Maeterlinck : Pelléas et Mélisande,