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POÈTES D’AUJOURD’HUI


N’est-ce pas que la nuit dionysiaque épie
Le trépas de l’impie,
Dont la chair dispersée est promise aux corbeaux ?

O Femmes ! n’est-ce pas que ma pompe dernière,
Quand vos torches, au vent dénouant leur crinière,
Sur les tigres vaincus et les lions couchants,
Draperont de leurs feux votre pourpre trophée,
Sera digne d’Orphée
Et digne de ses chants !

Pour crier ma défaite aux sommets solitaires,
Vous ceindrez la dépouille horrible des panthères,
Le pelage ocellé des lynx, et la toison
Des monstres de l’Indos et des bêtes du Gange,
Et la fauve vendange
Emplira de fureurs le quadruple horizon.

Car vos haines sans fin le suivent, ô Prêtresses !
Le poète qui va, dédaignant vos ivresses,
Attentif seulement, sous l’éther radieux,
L’immortelle voix qui lui parle et l’enseigne,
Qui passe et qui dédaigne
Votre culte et vos dieux.

Iacchos, fils du Maître inévitable, presse
Sur les pentes du mont la harde vengeresse,
A travers le fourré des halliers chevelus…
Le sacrilège est là, dont le verbe vous brave,
Et sa lyre, plus grave,
Prolonge l’hymne pur qu’elle ne dira plus.

Vos colères ce soir halètent sur sa trace !…
Accourez ! la vipère étincelante enlace
Vos cheveux, la couleuvre ondoie sous vos pas ;
Et votre foi s’offense à le voir qui regarde
Votre foule hagarde,
Et qui ne l’entend pas.

Et toutes, sous les pins aux sombres colonnades,