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Et — ce qui est plus pénible à constater — tout un public catholique qui aime à graviter dans le cercle des opinions toutes faites, a honte des talents qui se manifestent dans son parti ; il les renie et il les lâche, pour une littérature sans essor et sans lumière, vendue au rabais par des débitants qui se font, dans cette branche de commerce, de grasses prébendes.

À l’heure présente où les préoccupations religieuses, morales, patriotiques et sociales doivent primer toutes les préoccupations esthétiques et littéraires, cette attitude n’est-elle pas plus que de la timidité, et ne mérite-t-elle pas le nom de trahison ?


Cil est fol, lequel ayant sa grange
Pleine de grains cueillez, emprunte à son voisin,
Laissant pourrir chez soy son propre magazin.


Cette remarque d’un vieux poète dépeint à merveille non seulement « la folie » des « lâcheurs », mais encore la prudence excessive de certains esprits, qui, considérant le roman comme essentiellement mauvais, ont jeté, sur les meilleures œuvres de ce genre littéraire, un discrédit de plus.

Il ne faudrait pourtant pas oublier que le roman n’est plus ce qu’il était autrefois, un genre frivole et bâtard, une plaie sociale, une carrière pour les écrivains tarés… Il s’est anobli, et au lieu de borner sa mission à charmer les oisifs, il est devenu, depuis quelques années surtout, l’organe et le véhicule de toutes les idées courantes, il tient école.

Les questions les plus graves et les plus délicates y sont débattues ; les gloires littéraires les plus retentissantes s’y donnent rendez-vous. Sous les formes les plus diverses, il trouve des disciples dans les milieux qui semblaient le plus absolument réfractaires à toutes les créations de l’intelligence humaine…

Cette évolution qui devait exercer sur l’éducation du