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Mais on n’aborde pas impunément de pareils sujets, et les livres dont nous parlons portent la peine de leur ennoblissement scientifique. Ils sont généralement frivoles, légers, passionnés et, à certaines pages, très scabreux ; s’ils peuvent fournir à quelques-uns une leçon efficace ou une récréation passagère, ils renferment pour la majorité des âmes un immense danger.

En effet, si ces romanciers ou presque tous, feuilletonistes, et analystes, démasquent et flétrissent les vices, c’est après en avoir tracé des descriptions qui engendrent dans l’esprit du lecteur une tentation toujours renaissante. Ils dépeignent l’amour-passion en traits fort vifs et avec une complaisance qui se confond aux yeux du lecteur avec une demi-complicité ; ou bien ils jettent au milieu de leurs œuvres, souvent remarquables par ailleurs, quelques pages parfumées d’une odeur sensuelle plus ou moins discrète, en vue d’amorcer ou de retenir un public toujours avide du fruit défendu et qui trouve « bébête » un livre qui n’en porte pas une petite trace ; ou bien enfin, ils développent avec chaleur une intrigue tourmentée destinée à préparer le mariage classique de la fin.

Ces préoccupations, si naturelles et si sincèrement traduites qu’elles soient, paralysent ou laissent trop dans l’ombre le côté élevé de la vie que devrait révéler un livre « fait de main d’ouvrier ».

En principe, l’effet de pareilles lectures n’est donc pas moral. On voit bien au bout de la route la censure, la défaite, la punition du vice. Mais, pour le lecteur trop averti, la route est si belle, si douce à parcourir, bordée de tableaux si séduisants, et d’autre part les châtiments sont si lointains et à ses yeux si hypothétiques, qu’il espère bien pouvoir les éviter si, par éventualité et tout en cheminant, il devait lui-même les mériter.