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le débutant

bas, tandis qu’ici… Cependant, je dois vous dire, madame, que la plupart de mes camarades sont très gentils pour moi, surtout ce bon Jacques, qui était mon confrère de classe au collège de Saint-Innocent.

— Et, à part vos camarades, vous êtes sans relations, sans parents, sans amis, dans cette grande ville ?

— En effet, madame.

— Vous allez peut-être trouver étrange que je m’intéresse à vous tout de suite ? Mais, je vous connais plus que vous ne pensez. Quelqu’un, que je n’ai pas besoin de vous nommer, m’a dit beaucoup de choses de vous, et, par lui, je savais que j’aurais l’occasion de me rendre compte un peu, ce soir, de la justesse de certaines remarques qu’il a bien voulu me faire à votre sujet. Vous voyez que je suis franche avec les gens qui m’inspirent de la confiance. Je crois qu’il ne m’a pas trompé. C’est pourquoi je voudrais pouvoir vous diriger un peu dans ce monde que vous ignorez, vous aider de mes conseils, vous empêcher de faire des bêtises. Je crois qu’il m’est permis d’assumer ce rôle sans inconvénient, puisque vous êtes un tout jeune homme et que je suis déjà une vieille femme.

— Oh ! Je…

— Ne protestez pas. J’aurai trente ans quand refleuriront les lilas… Vous viendrez me voir, de temps à autre, me raconter vos petites misères.

— Vous me comblez, madame. Je dois vous prévenir que je suis encore un peu sauvage.

— Tant mieux !… Nous conviendrons du jour, de l’heure, car je suis toujours on the go.

Une sonnerie annonçait le lever du rideau pour le dernier acte. Jacques Vaillant reparut et apprit à madame Laperle qu’il avait trouvé le député de la division Sainte-Cunégonde, au bar du coin, en train

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