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le débutant

les quatre autres places, nous y serons plus à l’aise. Ose prétendre, maintenant, que je ne suis pas un bon camarade ?

— Tu es l’unique, le meilleur ami que je connaisse.

— Cela n’empêche que Prudent Poirier ne me pardonnera jamais de lui avoir joué ce qu’on appelle, dans le monde distingué, un sale tour.

Les deux amis avaient à peine pris place dans la loge qu’une jeune femme brune, très élégante et très belle, arriva. Elle échangea un sourire complice avec l’aimable cousin, qui s’empressa de lui aider à enlever son manteau. Après avoir remercié son chevalier servant, elle lui reprocha d’oublier trop souvent d’aller lui raconter les potins du jour, les nouvelles politiques dont on est au courant dans les salles de rédaction et que, pour une raison ou pour une autre, on ne fait pas mention dans les journaux.

Il lui répondit galamment :

— C’est que, madame, les veuves me causent une frayeur insurmontable, surtout quand elles sont gentilles comme vous l’êtes.

— Flatteur !

— Mais, soyez tranquille, belle cousine, de loin je pense à vous, je veille sur vous, et comme un chien fidèle, je suis toujours là au moment du danger.

— Est-ce que, par hasard, un danger me menacerait ?

— Un très grave danger. Un représentant du peuple, dit souverain, dans un pays soi-disant constitutionnel, comme le nôtre, madame, médite de vous enlever.

— Pas possible ! Et quel est ce Jupiter tonnant ?

Tannant, vous voulez dire… Prudent Poirier, dont l’élégance n’a d’égale que l’esprit qui lui fait totalement défaut… Regardez, le voilà.

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