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le débutant

En sortant du théâtre, les deux reporters furent arrêtés par un gros homme qui, donnant un amical coup de poing dans le ventre de Jacques, s’exclama :

— Y a un siècle que j’vous ai vu. Toujours au Populiste ?

— Toujours. Mais si j’avais votre fortune, je n’y resterais pas longtemps. Heureux homme. Tous les succès : l’argent, les honneurs de la députation, et avec cela, don Juan irrésistible.

— Vous me flattez !

— Pas le moins du monde. Je parie que mon ami Mirot, que j’ai le plaisir de vous présenter, habitant Montréal depuis quelques mois à peine, a déjà entendu parler de vos succès, mon cher monsieur Poirier.

— Oh ! c’est possible, tout le monde en parle… Enchanté, jeune homme de faire votre connaissance.

Il tendit la main à Paul qui, ne sachant trop à quel personnage il avait affaire, se contenta d’accomplir le geste banal de cordialité, en honneur chez les peuples dits civilisés.

Ce fut Jacques, qui soutint la conversation.

— Vous venez souvent au Théâtre Populaire ?

— Tous les samedis.

— Pour y rencontrer vos électeurs, sans doute ?

— Mes électeurs, j’vas les voir qu’à la veille des élections. C’est pour mon plaisir que j’viens. C’est si beau, ces amoureux qui finissent toujours par s’marier, à force de courage. J’aime les gens courageux, moé. Y a des gaillards dans ces pièces-là qui f’raient d’bons députés. Parlez-moé pas des pièces comme on en donne au Monument National, par exemple ; pas d’assassins, pas d’coups d’pistolets, pas d’coups de poings.

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