n’allaient qu’incognito. Là, les parvenus éblouissaient
de leur luxe la famille ouvrière, avide de drames
sensationnels et liseuse de romans-feuilletons. Dans
les pièces à grands spectacles qu’on y donnait, il y
avait toujours un jeune homme pauvre adorant une
jeune fille pure. Ces chers enfants juraient de s’épouser,
mais ça n’allait pas tout seul. Les parents de la
jeune fille voulaient la marier à un misérable qui
s’était enrichi par toutes sortes de crimes, sans que
personne ne s’en fût jamais douté. Pour se débarrasser
de son rival, le vilain attirait l’intéressant jeune
homme pauvre dans un guet-apens et l’accusait d’un
meurtre que lui-même
avait commis.
L’innocent était arrêté,
traduit devant
la justice et, naturellement
condamné.
Mais, au moment où
il allait subir sa peine,
moment pathétique
entre tous, par
un hasard providentiel, le vrai coupable était découvert. La jeune fille
pure, qui n’avait jamais douté de l’innocence de son
amoureux, en était bien récompensée : elle l’épousait
avant la chute du rideau, au dernier acte. La mise
en scène et l’intrigue variaient chaque semaine, mais
au fond, c’était toujours la même histoire.
Ce soir-là, on jouait L’Orpheline, célèbre mélodrame en cinq actes et huit tableaux, qui fit répandre des torrents de larmes aux personnes sensibles. Il s’agissait d’une jeune fille que des méchants tenaient séquestrée pour s’emparer de son héritage : mais, cette jeune fille avait un amoureux qui jura, au pied d’un