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le débutant

des femmes, une grande brune déhanchée. C’était, assurément, la même qu’il avait rencontrée rue Saint-Laurent, le jour de son arrivée. Jacques Vaillant, remarqua la persistance avec laquelle il suivait cette femme du regard, et lui demanda :

— Est-ce que, par hasard, tu connaîtrais cette seineuse ?

— Cette seineuse ?

— Les seineuses sont les concurrentes des piano-legs. On les nomme seineuses parce que, si elles n’ont pas l’avantage des mollets découverts et l’attrait qu’inspire aux esprits dérèglés le mystère des petites filles, elles sont, en revanche, plus expertes en l’art de tendre leur croupe et de jeter leurs filets pour attraper le poisson. Cette grande brune est, si je ne me trompe pas, la bonne amie de Solyme Lafarce, qui, en plus de son métier de reporter, exerce celui de pourvoyeur de clients dans la maison où cette drôlesse exploite ses jolis talents. Mais, tu n’as pas encore répondu à ma question, connais-tu cette femme ?

— Oui et non. C’est-à-dire qu’il me semble que c’est la voix, la démarche et le sourire provocant de celle que je rencontrai un jour et qui me dit : Come, dear, I love you, Mais, ne lui ayant pas même répondu, j’ignore son nom et le reste ; donc, je ne la connais pas, tout en croyant la reconnaître.

— Tu raisonnes comme notre professeur de philosophie au collège de Saint-Innocent, c’est admirable à ton âge. Mais trêve de plaisanteries, écoute bien ce que je vais te dire. Tu es d’un tempérament passionné, par conséquent capable de tous les emballements, il faut que je te mette en garde contre ton inexpérience. Ces femmes, qu’elles portent robe courte ou robe longue, qu’elles affichent un vice précoce ou des charmes plus mûrs, appartiennent à la basse pros-

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