bas. Il s’absorba dans une vision intime du paysage pittoresque de Mamelmont, des troupeaux de vaches laitières broutant au pied des collines du haut desquelles, étant gamin, il avait tant de fois dégringolé, du robuste et paisible cultivateur revenant du champ sur sa charrettée d’avoine, de sa compagne un bâton à la main, courant à droite et à gauche, rassemblant poules, oies et dindons à l’approche du soir. Jacques Vaillant, qui respectait son silence depuis un quart d’heure, ce qu’il jugea suffisamment respectueux, crut devoir ramener cet esprit vagabond à la réalité de l’heure présente. L’occasion, du reste, était propice : deux petites filles en robes courtes, aux jambes énormes, qui venaient en sens inverse, souriaient aux deux amis, de façon très significative. Il poussa Paul Mirot du coude :
— Regarde donc un peu ces petites effrontées qui ont mis au moins dix livres de coton dans leurs bas. Oh ! avec de pareilles jambes, elles vont matcher quelques bons types.
— Matcher ?
— Pardon ! J’oubliais que tu ne connais pas encore le langage de ces demoiselles. Matcher, ça veut dire faire une conquête de rue, qu’on termine… ailleurs. Et je parie que tu ne sais pas sous quel nom on désigne ces petites filles, de quatorze à seize ans, qui font voir de si prodigieux mollets ?
— Je l’ignore, en effet.
— Eh ! bien, je vais te l’apprendre, mon cher. Ces petites bêtes de joie… ou de proie, ça s’appelle des piano-legs, parce que leurs jambes ressemblent beaucoup aux pieds de ces meubles harmonieux que l’on tapote dans toutes les maisons qui se respectent au grand ennui, sinon au désespoir des visiteurs. Seulement, je te ferai remarquer que la comparaison ne