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le débutant

Pierre Ledoux, dit La Pucelle, dont il avait plus d’une fois offensé la pudeur par ses honnêtes et immodestes propos. Il n’avait pas encore fait de reportage, on le laissait à la traduction des dépêches ; il faisait aussi, de temps à autre, la correction des correspondances venant de la campagne, et presque tous les jours, à la dernière heure, on l’envoyait donner un coup de main aux correcteurs d’épreuves. C’est ainsi qu’il échappait, pour quelque temps, aux corvées que Jean-Baptiste Latrimouille, le city editor, imposait à ses subordonnés. Le secrétaire de la rédaction, qui était son chef direct, le traitait assez bien ; cependant, il le regardait parfois d’un mauvais œil. On lui avait conseillé d’aller, au moins deux ou trois fois la semaine, féliciter Pistache sur ses coups de plume, mais, comme il trouvait la prose de cette gloire du journalisme canadien plutôt insipide, il s’était toujours abstenu d’une démarche qu’il lui eut semblé dégradante. Ses camarades avaient beau lui répéter que ce manque de diplomatie pourrait être non seulement préjudiciable à son avancement, mais lui valoir un congé si jamais on le prenait en faute, il ne voulait rien entendre. Il se disait qu’il avancerait peut-être moins vite en s’aliénant les sympathies d’un homme extrêmement sensible aux admirations hypocrites, mais qu’il arriverait tout de même par le travail et la double protection de Marcel Lebon, qui lui témoignait une réelle sympathie, et du député Vaillant, dont le fils était son meilleur ami. Le député de Bellemarie, quand il venait au journal, lui disait en passant un mot d’encouragement. Tout allait donc assez bien et le jeune homme, l’esprit plus libre, le cœur plus léger, commençait à prendre goût aux amusements de la métropole.

Ce jour-là, cependant, il avait la nostalgie de là-

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