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le débutant

de banque ou un parfait notaire ayant la garde de nombreux trésors. Celui-là ne savait faire autre chose que la chronique des tribunaux de police. Tous les policemen le connaissaient, les tourne-clefs de la geôle étaient devenus ses amis, il était le confident des plus fameux détectives. Au besoin, il savait leur être utile en leur fournissant des renseignements. Il accompagnait même, à ses heures de loisirs, les braves agents à la poursuite d’un dangereux malfaiteur, ou allant tout simplement opérer une rafle chez Maud, Rosa ou Mary, tenancières de maisons d’amour. C’était le mieux payé de tous les reporters, à cause de sa précieuse expérience des bas-fonds de la société.

Le traducteur attitré des dépêches, Louis Burelle, avait une autre manie : celle d’emprunter vingt-cinq sous à tout le monde qu’il rencontrait. Il était toujours cassé, c’est-à-dire que du lundi au samedi, jour de la paye, il n’avait jamais d’argent. Le samedi et le dimanche, il faisait la noce, payait volontiers des dîners et des traites à ses camarades, mais ne remboursait jamais les vingt-cinq sous qu’on lui avait prêtés. Et, il y avait encore le reporter de l’hôtel de ville, un résigné, un modeste qui, soit par timidité ou malchance, était toujours resté dans la médiocre situation qu’il occupait au journal, depuis quinze ans. Il se nommait Modeste Leblanc, et ce nom de Modeste, convenait bien à sa modestie. Cependant, il n’avait pas été aussi modeste avec son épouse, car il supportait péniblement le poids d’une famille de treize enfants. Ce brave garçon était un érudit, un penseur, il avait des idées, une plume alerte pour les exprimer. Au début, il écrivit quelques articles sous sa signature, des articles fort intéressants. La direction du journal s’alarma, il devenait un homme dangereux en sortant de son rôle de machine. On lui fit des observations injustes,

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