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le débutant

posé sur le coin de la table, il sortit un mouchoir de sa poche et s’épongea le front en s’exclamant : « Sapristi, qu’il fait chaud ! » Il répéta la petite phrase deux ou trois fois, avec le même geste. Voyant que son voisin n’avait pas l’air disposé à engager la conversation, il lui demanda :

— Ne trouvez-vous pas, mon jeune ami, qu’il fait chaud ?

— Mais, non, monsieur, je suis très bien.

— Oh ! c’est que, moi, je cours comme un fou depuis le matin. J’ai cette affaire Poirot sur les bras. La femme vient d’être arrêtée ; le mari est mourant à l’hôpital Notre-Dame. J’ai pour le moins trois colonnes de copie à donner à l’imprimerie avant trois heures… Sapristi qu’il fait chaud !

— Vous êtes dans les journaux, monsieur ?

— Comment, vous ne me connaissez pas ? C’est singulier ! Tout le monde me connaît. Solyme Lafarce, c’est le nom dont mon père m’a fait présent. Un joli nom, n’est-ce pas ? Il a, du reste, oublié de me donner autre chose. Mais, je ne suis pas en peine pour me tirer d’affaire. Vous l’avez deviné, je suis reporter à L’Éteignoir, le plus grand journal du pays, le mieux renseigné, grâce à moi surtout qui, moyennant un salaire considérable, depuis dix ans, lui fournit des primeurs dans tous les crimes qui se commettent à Montréal et à deux cents milles à la ronde.

— Ça doit être bien intéressant, ce métier ?

— Je vous crois ! On se trouve en relations avec un tas de gens épatants. Et toujours de l’argent plein ses poches.

Si Paul Mirot avait pris la peine de réfléchir il eut, sans doute, trouvé étrange qu’un homme qui a de l’argent plein ses poches puisse se contenter d’un me-

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