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le débutant

l’invitèrent à entrer : Vant a suit gentleman’!… Big sale here, to-day !… The cheapest day, the last day of a big sale ! Des femmes passaient, le frôlant, les unes laides, les autres jolies ; des hommes affairés allaient et venaient, d’autres marchaient plus lentement, en flâneurs, le cigare aux lèvres, la canne sous le bras. Le jeune homme, d’abord étourdi par ce va-et-vient continuel, accompagné du bruit agaçant des tramways, mêlé au toc-toc régulier du trot des chevaux sur l’asphalte, reprit bientôt son sang-froid et s’amusa de ce spectacle nouveau pour lui. Midi venait de sonner aux églises de la métropole. Une petite ouvrière aux lèvres rouges, au regard prometteur, sortant d’un atelier de modiste, se trouva face à face avec lui, et il se rangea poliment pour la laisser passer. La belle enfant lui sourit. Plus loin, une grande brune, déhanchée, le toisa de la tête aux pieds et lui murmura, en passant : Come Deary, I love you ! Ces femmes de la ville, assurément, ne ressemblaient pas à celles de Marmelmont : elles paraissaient aimables et hospitalières. Mais, Paul Mirot évita de répondre à cette trop chaleureuse invitation et pressa le pas. Il se rappela avoir entendu parler de vilaines créatures, perfides et malsaines qui perdent les hommes et surtout les jeunes gens. À quels signes pouvait-on les reconnaître, celles-là ? Voilà ce qu’on avait négligé de lui apprendre au collège de Saint-Innocent. La petite ouvrière, toute en sourire, ne paraissait pas méchante ; l’autre non plus, la grande brune, malgré son air effronté et sa démar-

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