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le débutant

en ce monde et le ciel dans l’autre », Paul Mirot ne mordait pas à l’amorce. Alors, l’oncle lui proposa la culture de la betterave en grand, il y avait une fortune à faire. Ah ! si le conseil municipal de Mamelmont avait voulu adopter son plan ! Les avocats aussi gagnaient pas mal d’argent, et les médecins qui vendaient trente sous une petite boîte de pilules ou un emplâtre, ne se mouchaient pas avec des quarquiers de terrine.

Le jeune homme évitait toute discussion et passait son temps à lire ou à se promener dans la campagne. Sa chambre était encombrée de livres qu’il avait rapportés d’un voyage à Montréal, et l’oncle Batèche ne comprenait pas l’on puisse dépenser tant d’argent pour du papier et s’amuser à lire un tas de menteries. Cependant, il n’osait pas crier trop fort, son pupille arrivait à sa majorité, et il lui faudrait rendre ses comptes qui étaient pas mal embrouillés.

Vint l’automne et Paul se prit d’une grande passion pour la chasse. Il partait le matin, le fusil sur l’épaule, quelques tartines de pain dans son sac, et ne rentrait que le soir, harassé de fatigue, quelquefois bredouille, mais rapportant souvent deux ou trois perdrix, un lièvre ou quelques écureuils.

Par un beau soir du mois de novembre, alors que la pourpre crépusculaire teignait de rougeoyante couleur les branches dénudées et le tapis de feuilles mortes, au bord d’une clairière le jeune homme aperçut une perdrix qui roucoulait sur un tronc d’arbre à demi renversé. Épauler, ruser et faire feu fut pour lui l’affaire d’une seconde. Quelques morceaux d’écorce volèrent, et à travers la fumée de la poudre, le chasseur vit l’oiseau blessé prendre son vol pour aller s’abattre à deux cents pas, dans un chaume doré, sur la lisière du bois. Heureux de son exploit, il courut

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