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le débutant

nait toute autre préoccupation, celle d’amener le jeune, homme à lui déclarer qu’il l’aimait ; car, malgré sa réserve polie, Paul n’était pas indifférent à son charme captivant de jeune fille, elle le savait, elle était déjà trop femme pour ne pas pressentir cet amour, pour ne pas comprendre que cette froideur n’était qu’une discrétion voulue, de la méfiance, peut-être. Sur le divan dissimulé par une tenture, où ils s’étaient assis, Germaine se montra câline, enveloppante, ses yeux brillaient, d’une flamme amoureuse, elle perdait la tête, un peu. Et, lui, allait la prendre dans ses bras, lui dire : « Je t’aime », lorsque des pas se rapprochèrent, des voix d’hommes rompirent le charme. C’étaient deux échevins qui causaient derrière la tenture. L’un disait :

— Cette question des gondoles me paraît bien compliquée. Enfin, pourquoi demandes-tu des gondoles au parc Lafontaine ?

Et l’autre, représentant le quartier aux gondoles, répliqua :

— Ce sont, mes électeurs qui le veulent. Moi, je ne connais pas ça. Mais j’ai une idée.

— Ah !

— Si la ville en achetait un couple ?

— Un couple !

— Oui, un couple de gondoles, elles pourraient se reproduire et ça coûterait moins cher.

Un éclat de rire formidable fit sursauter les amoureux qui s’enfuirent, sans être vus des échevins discutant une aussi grave question.

Rentrée dans la salle du bal, la jeune fille voulut danser encore. Ses parents, qui ne savaient rien lui refuser, consentirent à la laisser aux soins de Mirot, qui la reconduirait chez-elle, et s’en allèrent, confiants dans l’honnêteté de leur unique enfant.

Il était tombé beaucoup de neige durant la nuit et

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