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le débutant

ces yeux brillant de plaisir, toutes ces figures à demi pâmées de danseuses s’abandonnant à la griserie de la minute présente, sous l’étreinte de leurs danseurs. Les violons rythmaient des caresses et les notes stridentes des cuivres sonnaient la charge.

Plus d’une liaison s’ébaucha durant cette nuit de bal et plus d’une jeune fille laissa quelque peu friper sa robe blanche.

Flora, qui était, revenue vers Jacques après avoir valsé à son gré, lui indiqua Paul Mirot dansant encore avec la petite Pistache :

— Oh ! ils vont bien.

— L’oncle Jack va bien mieux.

— Où est-il ?

— Je n’en sais rien. Mais je l’ai vu, il y a environ une heure, penché sur la poitrine opulente de madame Montretout. Ils sont disparus ensemble. C’est scandaleux … une si honnête femme !

Le peintre Lajoie, qui avait bu quelques coupes de champagne frappé, au buffet, simulant la frayeur, se présenta devant eux, en s’écriant, avec des gestes comiques :

— Ah ! mes amis, au secours ! Sauvez-moi ! Cet homme-là, c’est, Gargantua en personne. Il va m’avaler.

Jacques lui demanda :

— Où est-il cet homme extraordinaire ?

Et le peintre le lui désigna d’un geste sévère :

— Cet homme mange et boit depuis onze heures, à la même place.

— Mais, c’est Blaise Pistache, secrétaire de la rédaction au Populiste, devenu échevin et président de la Ligue de l’Est de la Société de Tempérance. Tout le monde le connaît. Depuis vingt ans il trimballe son imposante bedaine et son fessier rasant le trottoir, rue Saint-Jacques, de la Côte Saint-Lambert à la

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