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le débutant

même temps qu’il s’empresserait de se rendre chez elle le lendemain, prêt à tout oublier si elle voulait recommencer leur vie si heureuse d’autrefois.

Au moment où la messagère allait se retirer, le jeune homme lui demanda :

— Depuis combien de temps êtes-vous chez madame Laperle ? Il me semble vous avoir déjà vue.

C’est possible. J’étais couturière autrefois et j’allais chez les pratiques. J’ai habillé madame Laperle durant plusieurs années.

— Ah ! c’est vous alors… Je me souviens : le cousin Baptiste qui s’est noyé par amour.

— Oui, c’est moi, madame Moquin.

Elle lui raconta que son mari, Dieudonné, s’était mal conduit, qu’il avait imité la signature de son patron, ce qui l’obligea à se sauver à Chicago pour échapper à la justice. Afin de racheter les billets contrefaits, elle vendit tout ce qu’elle possédait et alla rejoindre le fugitif. Le misérable la fit travailler pour le nourrir et lui procurer de l’argent. Il essaya de l’induire à la débauche, elle s’indigna. Voyant qu’elle persistait dans son refus de se prostituer aux clients qu’il lui amenait, il la chassa et s’associa à une autre femme plus complaisante. C’est alors qu’elle revint au Canada, pauvre, misérable, anéantie. Le hasard lui fit rencontrer madame Laperle, qui l’avait prise à son service en attendant de lui trouver une situation. Sans le secours de cette femme charitable, elle serait peut-être morte de misère.

Cette lamentable histoire émut profondément le jeune homme. Il fut sur le point de changer d’avis, de reprendre sa lettre. Cette abandonnée, cette malheureuse, lui faisait penser à l’autre abandonnée. Mais l’ancienne couturière de Simone était déjà dans l’escalier et il eut honte de la rappeler.

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