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le débutant

mêlé. Du reste, sa piété d’autrefois revenue, à cause de l’empreinte profonde laissée dans son esprit par une jeunesse presque cloîtrée, l’avait reconquise toute entière, et Jacques Vaillant affirmait que sa belle cousine était perdue pour le monde, qu’elle se ferait religieuse un de ces matins.

La carrière du journalisme étant fermée à Mirot, en se créant beaucoup de relations dans le monde, il espérait pouvoir trouver une situation qui lui permettrait d’attendre de meilleurs jours. Le sénateur Boissec lui avait promis un emploi dans les bureaux du gouvernement, le directeur d’une grande compagnie d’assurance voulait le prendre comme secrétaire particulier, un troisième l’engageait à fonder une revue mensuelle et lui promettait de lui fournir des capitaux s’il pouvait trouver deux ou trois autres associés. En attendant, le jeune homme occupait ses loisirs à ébaucher un nouveau roman. La peinture aussi l’intéressait, et il passait des heures à l’atelier du peintre Lajoie. Un jour, en arrivant chez le peintre, il le trouva juché sur un escabeau, en train de dessiner des anges, tout près du plafond, sur une grande toile adossée au mur, et jurant comme un rough-man des chantiers de l’Ottawa. Il lui dit en riant :

— Maître corbeau votre langage ternit la beauté de votre plumage.

— Va au diable !

— Venez avez moi, sublime artiste !

— Je n’ai pas le temps. Il me faut livrer cette grande machine à la fin de la semaine.

— Alors, pour ne pas vous distraire de votre travail, je m’en vais.

— Imbécile. C’est justement de distraction que j’ai besoin pour me résigner à demeurer sur ce per-

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