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le débutant

frappant dans le vide. Mirot n’attaquait ni le Pape ni l’Église dans son livre, et cet appel aux pouvoirs publics amusa beaucoup ceux qui connaissaient le roman et les gens sachant dans quel esprit était rédigée la feuille fleurdelisée. Les autres, tels que le notaire Pardevant, député, et tous les réactionnaires, y compris ces braves jeunes gens de la société des Paladins, furent convaincus que Mirot était possédé du diable, et ne le croisèrent dans la rue qu’en se signant.

Tout ce bruit fait autour du nouveau roman et de son auteur, eut l’effet contraire de ce qu’on en espérait. Tous les hommes libres et instruits achetèrent le livre. Beaucoup de femmes, même, auraient fait des folies pour se le procurer. Celles qui tenaient à conserver intacte, leur réputation de farouche vertu, le lurent en cachette, se gardant bien de l’avouer, même à leur meilleure amie. Tous frais payés, ce roman rapporta à Mirot environ six cents dollars. C’était beaucoup plus que la somme sur laquelle il comptait.

Ce que Mirot avait le moins prévu arriva : il devint l’homme à la mode. C’était la saison des fêtes mondaines, il fut d’abord invité à un euchre party chez le sénateur Boissec, puis à une brillante réception chez le colonel Howard, ensuite chez Hercule Pistache, importateur de vins et de liqueurs fines, précisément le frère de l’incommensurable Blaise Pistache, secrétaire perpétuel de la rédaction, au Populiste. La famille Pistache ne figurait dans la bonne société que depuis que l’importateur avait réalisé, dans le commerce des vins et liqueurs alcooliques, une fortune d’au-delà d’un million. La grande réputation de sainteté et d’éloquence du Père Pistache, jésuite,

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