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le débutant

pu faire mieux. Les personnages de ces romans n’ont rien de particulier qui les caractérise et on ne découvre un peu de couleur locale que dans les descriptions de paysages et quelques épisodes de la vie canadienne. Il serait bien inutile de chercher des documents humains dans ces livres saturés de mysticisme et des plus propres à exercer une influence déprimante sur le lecteur et surtout à fausser l’esprit des jeunes filles.

Jacques Vaillant fit remarquer qu’il avait exprimé la même opinion à son ami Mirot, tout frais déballé de Mamelmont et venant faire du journalisme à Montréal.

Mademoiselle Franjeu reprit :

— Quant à vos écrivains, je me garderai de les juger trop sévèrement, car ceux qui ont des idées et de la valeur ne peuvent donner la mesure de leur talent. La plupart d’entre eux ont fait la dupe expérience du journalisme et appris qu’il faut dissimuler sa pensée, écrire souvent à l’encontre de ses opinions pour gagner sa misérable pitance et vivre en paix. Combien de jeunes gens de talent, à McGill, sont venus me parler de leurs projets de réforme littéraire, qu’ils n’ont jamais osé mettre à exécution. Il y a tant de choses à considérer avant de se lancer dans une telle entreprise : la nécessité de se créer une carrière autre que celle des lettres qui ne paye pas, les susceptibilités de la famille à ménager, de précieuses relations sociales à conserver dans le monde bourgeois et bien pensant. Et, dans tous les arts c’est la même chose. N’est-ce pas Lajoie ?

— Je vous crois. Depuis mon dernier voyage à Paris, il y a deux ans, je suis devenu faiseur d’anges. Sans blague, je ne fabrique plus que des chérubins assis sur des nuages.

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