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peu les derniers chapitres de son livre qui y gagnait beaucoup en vérité et en intérêt ; cependant, l’auteur constatait avec chagrin et inquiétude que l’éternité du bonheur en amour est subordonné à bien des causes accidentelles et indépendantes de la volonté de l’homme et de la femme. Depuis le coup de tonnerre de Mamelmont, madame Laperle n’était plus la même. Et lorsqu’elle apprit que le misérable docteur Montretout avait osé, à la réunion électorale de Saint-Innocent, jeter sa liaison avec Mirot, comme une suprême injure, à la face de l’honorable Vaillant, elle en pleura longtemps de honte. Pourtant, elle était bien moins coupable que l’épouse de ce vil insulteur : elle n’avait trompé personne puisqu’elle était libre. Et elle essayait de se consoler en lisant ces vers de Victor Hugo :


La foule hait cet homme et proscrit cette femme.
Ils sont maudits. Quel est leur crime ? Ils ont aimé.

Cette crise sentimentale détermina, chez elle, un retour vers la piété de son enfance, dont son âme était encore imprégnée. Les craintes superstitieuses, les scrupules de son éducation première combattirent les élans de son cœur. Certains jours, elle formait le projet d’aller s’enfermer dans un couvent, afin de se purifier par la prière et la mortification. Puis, brusquement, son amour reprenait le dessus et dans les bras de l’homme aimé, elle se livrait avec toute la fougue de son tempérament passionné à la volupté terrestre. Après ces abandons venait les repentir et alors, durant un temps plus ou moins long, sa porte restait close pour Paul dont elle redoutait la présence. Le jeune homme comprenant que son bonheur était sérieusement menacé, luttait désespérément pour reconquérir Simone toute entière ; mais après la

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